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Littérature contemporaine: Écho du passé ou reflet des nouveaux horizons | ||
Revue des Études de la Langue Française | ||
دوره 16، شماره 2 - شماره پیاپی 31، اسفند 2024، صفحه 55-70 اصل مقاله (584.78 K) | ||
نوع مقاله: Original Article | ||
شناسه دیجیتال (DOI): 10.22108/relf.2025.144510.1260 | ||
نویسندگان | ||
Akram Ayati* 1؛ Zahra Hadjibabaie2؛ Amirhossein Tasdighishahrezaei3 | ||
1Maître de Conférences, Département de langue et littérature françaises, Université d'Ispahan | ||
2Maître-assistante, Département de langue et littérature françaises,Université d’Ispahan | ||
3Doctorant, Bergische Universität Wuppertal, Allemagne | ||
چکیده | ||
Le déclin de la littérature, et la remise en question de son rôle dans la société contemporaine, ont alimenté de vifs débats dans les milieux intellectuels et littéraires depuis plusieurs décennies. Alors que certains écrivains et critiques soulignent la dégradation de la littérature et de la fonction de l'écrivain dans la société moderne, d'autres plaident pour la résilience et la régénération de la littérature, malgré les bouleversements socio-culturels et technologiques. D'un côté, les partisans de l'idée de déclin évoquent une dilution des standards littéraires, où la qualité et la profondeur des œuvres s'effaceraient devant des productions commerciales généralisées et souvent superficielles. À l'inverse, d'autres voix défendent la notion que la littérature, loin de disparaître, évolue pour s'adapter à un monde en constante mutation. Cette étude qualitative vise à analyser ces perspectives afin de déterminer si la littérature française actuelle parvient encore à refléter la richesse et les subtilités du monde moderne. Nous examinerons également les transformations qu’a subies la position de l’écrivain contemporain, qui oscille entre des rôles traditionnels et des engagements socio-politiques, cherchant à redéfinir sa place au sein d’une société globalisée. Les résultats montrent que la littérature engagée demeure pertinente, mais se manifeste différemment: par la littérature attentionnelle, qui donne une voix à ceux qui en sont souvent privés, avec l’écrivain en tant que témoin ou acteur. Ainsi, la littérature peut contribuer à la construction d'un imaginaire plus riche et diversifié, en éclairant les fractures du monde globalisé. | ||
کلیدواژهها | ||
littérature contemporaine؛ stagnation؛ vitalité de la littérature؛ mutation؛ société contemporaine | ||
اصل مقاله | ||
Introduction Les interactions entre la vie littéraire et la société se précisent par la position des écrivains devant les évènements socio-politiques, de même que Michel Zerrafa l'exprime à propos du romancier:
«Ayant observé le monde et s'étant observé soi-même, le romancier pense le monde et se pense, et c'est peu dire que son herméneutique exige le recours à des modes d'expression spécifiques: aucune technique, aucune forme ne sont purement opératoires; les moyens d'expression utilisés par le romancier signifient, incarnent, représentent, sont sa pensée.» (Zerrafa, 1969, p. 10)
Dire autrement, les relations entre le monde littéraire et la société se définissent à travers des mouvements littéraires qui se caractérisent soit au vu de l’engagement soit de l'isolement. L'époque contemporaine, marquée par une crise des valeurs et un «déclin des fonctions collectives (Juvin & Lipovetsky, 2010, p. 9), conséquence de la mondialisation, pose un défi particulier à la littérature. La mondialisation, dont l'essor date des années 1980-1990, a profondément remodelé notre monde (Contarin et al., 2019 , p. 120). Elle exprime une sorte de mutation dans la perception de notre monde, qui pourrait se définir selon Juvin et Lipovetsky dans les différents niveaux: a. Economique (la libéralisation des marchés dans un capitalisme planétarisé),
«Les cultures traditionnelles créaient un monde «plein» et ordonné entraînant une forte identification à l'ordre collectif et par là même une assurance identitaire permettant de résister aux innombrables difficultés de la vie. Il en va tout autrement dans la seconde modernité où le monde, délesté d'encadrements collectifs et symboliques, se vit dans l'insécurisation identitaire et psychologique.» (2010, p. 12)
Cette «insécurisation identitaire et psychologique» a des conséquences directes sur la littérature. La mondialisation, en favorisant les échanges et la mobilité, conduit à une fragmentation des identités. Les écrivains, comme les autres individus, sont confrontés à une multiplicité d'influences et de références, ce qui complique la création d'œuvres cohérentes et chargées d'un sens partagé. Par conséquent, le roman, qui explorait traditionnellement les contours d'une identité individuelle ou collective stable, peut se trouver en crise. Cette idée est reprise par Bhabha dans son livre Les lieux de la culture qui considère que:
«Notre existence est marquée aujourd’hui par un sentiment obscur de la survie, une vie aux lisières du «présent» pour laquelle nous semblons n’avoir pas d’autre nom que l’astuce aussi classique que controversée du préfixe «post»: postmodernisme, postcolonialisme, post féminisme […]» (2007, p. 31)
Cette «survie» identitaire précaire, diagnostiquée par Bhabha, se traduit en littérature par des expérimentations formelles et thématiques audacieuses, souvent accompagnées de controverses qui dépassent les cercles littéraires et universitaires. La littérature contemporaine, face à ce «sentiment obscur de la survie», oscille entre une exploration fragmentée et parfois déconcertante de ces nouvelles réalités identitaires. Ainsi, on observe une prolifération de romans qui mettent en scène des personnages en quête de sens, errant dans un monde globalisé où les repères traditionnels ont disparu. Les débats qu’ils suscitent témoignent d'une tension entre une aspiration à une forme d'authenticité et une critique des constructions identitaires imposées. C’était avec un vif intérêt que l'un des auteurs de cet article, en tant qu'observateur personnel, a constaté, lors de la Journée des Doctorants à l’École Doctorale de l’Université Rennes II en 2006, comment les intervenants ont pris l’initiative de remettre en question les propos controversés de Nicolas Sarkozy au sujet de La Princesse de Clèves[1] et du rôle de la littérature dans l’enseignement scolaire, plutôt que de présenter, comme à l'accoutumée, leurs projets de recherche. L'intensité de la polémique qui s'est enclenchée ce jour-là, entourant le déclin de la littérature, a rapidement dominé les échanges et a profondément marqué l'atmosphère des milieux universitaires et littéraires. La cause remonte pourtant à plus d’une décennie. Selon Blanckeman, la disparition de grandes figures littéraires et intellectuelles telles qu'Aragon, Foucault, Sartre, Barthes et Genet dans les années 1980 a créé un vide intellectuel. Ce vide est perçu comme la fin de l'engagement de la littérature dans les débats sociopolitiques. La littérature est de plus en plus accusée de superficialité et d'influence médiatique (Blanckeman, 2015). C’est ainsi que des déclarations plus modestes du Désenchantement de la littérature et des discussions sur le désengagement des écrivains, on est rapidement passé à des discours plus audacieux et polémiques proclamant le déclin et la mort de la littérature. Certains vont même jusqu'à ne pas se contenter d'organiser des funérailles, mais précipitent la «dissection du cadavre de la littérature» (Asensio, 2004). Mais, contrairement aux déclinologues, des critiques comme Dominique Viart estiment que la littérature française contemporaine est non seulement vivante, mais aussi innovante. Selon Viart, les livres se défendent d'eux-mêmes et continuent de fasciner, en dépit des critiques de la «fin» du genre. Il souligne que la littérature d'aujourd'hui n'a pas renoncé à ses exigences formelles et poétiques, mais interroge de nouvelles questions sur le monde. (Viart, 2009) Cette étude vise à faire un état des lieux de ces idées et débats divergents et plutôt contradictoires, afin d’examiner si la littérature contemporaine française est toujours capable de rendre compte de la complexité du monde moderne, malgré le fait qu’elle est apparemment marquée par une sorte d’«indifférence générique» selon les termes de Jacques Rancière (Rancière, 1998, p. 28). Nous tenterons également de mettre en évidence les enjeux esthétiques et symboliques associés à la manière dont la vitalité ou le déclin de la littérature s’est perçu. Enfin, nous nous proposons d’interroger les mutations de la posture de l’écrivain contemporain pour examiner si l’écrivain aujourd’hui joue le même rôle qu’auparavant.
La littérature contemporaine face à ses démons La littérature dont les repères traditionnels sont ébranlés, voire bouleversés par la mondialisation, se retrouve contrainte par un monde uniformisé, où les valeurs culturelles se diluent dans une «hyperculture transnationale», décrite par Lipovetsky et Serroy:
«Il faut «se mondialiser» ou disparaître. Nul ne peut plus y échapper: on est passé d'un cosmopolitisme libre et volontaire à un cosmopolitisme inéluctable finalisé par l'objectif de survie économique. Non plus un engagement libre du citoyen du monde, mais une «mondialisation sous contrainte». (Lipovetsky & Serroy, 2008, p. 19)
Dans ce contexte, la littérature risque de perdre son ancrage dans des traditions culturelles solides, et de devenir un produit parmi d'autres dans le marché global. Cette marchandisation de l'écriture, exacerbée par la mondialisation, menace l'authenticité des voix littéraires et favorise une production standardisée, calibrée pour plaire à un lectorat mondialisé. On assiste alors à une potentielle dilution des spécificités culturelles et des récits singuliers au profit de thématiques universelles et de styles formatés, susceptibles d'être facilement traduits et consommés à l'échelle planétaire. La société de consommation, l'obsession des médias et la fragmentation des récits semblent avoir conduit la littérature à une impasse. La société de consommation, avec son accent sur l'accumulation de biens et la satisfaction immédiate des désirs, a potentiellement érodé la quête de sens et de valeurs profondes qui a longtemps animé la littérature. Cette culture valorise le nouveau, l'immédiat et le jetable. L'avènement des nouvelles technologies de l'information et de la communication a créé une culture de l'hyper-communication, où l'attention est fragmentée et les informations se succèdent à un rythme effréné. Dans ce contexte, la littérature qui exige une attention soutenue et une réflexion approfondie, peut apparaître comme moins attractive que d'autres formes de divertissement plus immédiates et plus facilement accessibles. Cela peut conduire à une baisse de la lecture et, par conséquent, à une perte d'influence de la littérature dans la société. Quant à la fragmentation des récits, il faut dire que la postmodernité a remis en question les «grands récits» (les idéologies, les visions du monde totalisantes) qui avaient structuré la pensée et la culture occidentales pendant des siècles. L'idée qu'il n'y a pas de vérité absolue, que toutes les perspectives se valent, a conduit à une fragmentation des récits. Ainsi, la littérature postmoderne se caractérise souvent par l'ironie, l'ambiguïté et le refus de proposer des réponses définitives. Les écrivains postmodernes empruntent souvent des éléments à d'autres œuvres, les mélangent et les transforment. Cette pratique du pastiche et de l'intertextualité peut donner une impression de recyclage, de manque d'originalité et de perte de sens. C’est ainsi que l’on est témoin de l’émergence d’une perspective mettant l’accent sur le déclin de la littérature. Les critiques du déclin de la littérature française contemporaine, émanant d'auteurs et de penseurs tels que Tzvetan Todorov, Richard Millet, William Marx, Jean-Philippe Domecq, Antoine Compagnon et Dominique Maingueneau, ont mis en lumière leur vision alarmante de la situation. À travers des titres évocateurs tels que La Littérature en péril (2007), L’Adieu à la littérature (2005), La littérature, pour quoi faire? (2007) et Désenchantement de la littérature (2007), ces voix dénoncent, chacune à leur manière, la dégradation de la littérature contemporaine vers la superficialité et la médiocrité. On entend aussi d’autres voix en parallèle du désenchantement: Hannah Arendt (1961) parle de la «désolation», Jean-François Lyotard postule en 1979 la célèbre formule de la «crise/fin des métarécits», Fernand Dumont avance en 1968, l’idée la «crise de la culture » et Paul Ricœur examine en 1983 la question de la «fin de l’art de raconter». Si Dominique Maingueneau parle de «l’absence des «monstres sacrés» de la création littéraire si nombreux aux XIXe et XXe siècles» (Maingueneau, 2006, p. 151), Richard Millet franchit encore une autre étape et critique la langue française et proclame lamentablement la détérioration de l'utilisation de la langue française comme cause du déclin de la littérature, estimant que:
«le français que nous entendons aujourd'hui est tombé dans la fange, non seulement par fadeur linguistique et flottement syntaxique, sémantique et orthographique, mais parce qu'il ne nomme plus le monde, l'ayant abandonné aux médias anglo-saxons, et qu'il ressemble de plus en plus, avec ses apocopes, aphérèses, acronymes, formules argotiques, prononciation relâchée, accents ignobles, peaux mortes de la langue, à je ne sais quoi d'animal, ou à ces borborygmes qui, chez les anciens Grecs, signalaient ce qui était barbare» (Millet, 2007, p. 48).
Pourtant, cette accusation est fortement mise en cause par Cécile Narjoux qui soutient que non seulement la langue littéraire n’est pas morte, mais en plus, elle «est bien vivante, revitalisée même des multiples influences, apports et supports que les nouveautés du siècle mettent à sa disposition» (Narjoux, 2010, Si on remonte encore plus dans le temps, on rencontre Jean-Marie Domenach qui, dans son livre Le Crépuscule de la culture française? (1995) parle non du déclin mais de l’ennui, le sentiment qui a envahi les lecteurs des romans contemporains. Il se réfère ensuite à Fernando Pessoa pour décrire le terme:
«L'ennui est la sensation physique du chaos, c'est la sensation que le chaos est tout. Le bâilleur, le maussade, le fatigué, se sentent prisonniers d'une étroite cellule. Le dégoûté, par l'étroitesse de la vie, se sent prisonnier d'une cellule plus vaste. Mais l'homme en proie à l'ennui se sent prisonnier d'une vaine liberté, dans une cellule infinie» (Domenach, 1995, p. 13).
Domenach estime qu’aujourd’hui, plus les «créateurs» sont innombrables, plus les créations sont rares et plus le nombre de titres augmente, de même l'ennui des lecteurs se développe. Cet ennui est issu selon l’auteur du fait que, «devenus théoriciens et techniciens, les romanciers de la nouvelle école suppléent par des artifices de style à l'inconsistance de l'intrigue et des personnages. Repliés sur une intimité triste, on dirait qu'ils n'ont plus la force de saisir notre société - de la saisir à la gorge.» (Domenach, 1995, p. quatrième de couverture). Il n’hésite pas d’ailleurs comme Richard Miller de montrer la fin tragique et les conséquences désastreuses dues à ce problème survenu, en prétendant que «Le mal du roman, genre éminemment démocratique, est identique au mal de notre démocratie: asthénie et faux-semblant. Seule l'Histoire prospère - la nostalgie du passé? Un peuple privé de fiction n'aurait plus affaire qu'aux «problèmes matériels de sa survie et rien ne viendrait consoler son ennui, son incapacité à dire quelque chose du monde qui corresponde à une forme de vérité sensible» (Domenach, 1995, p. quatrième de couverture). Ainsi, le mythe de la fin sonnant de plus en plus fort, il constituait le refrain des discours critiques qui prétendaient, comme Dominique Viart le souligne, que «le début des années 80 constate sinon la fin, du moins l’essoufflement simultané des «avant-gardes» littéraires et de la «théorie critique»» (Viart, 2004, p. 12). Bruno Blanckeman reconnaît trois raisons principales pour cette «anxiété collective, très «fin de siècle»» (Blanckeman, 2015, p. para. 2), dont la première réside dans l’ébranlement du rôle de la littérature et celui de l’intellectuel dans le monde d’aujourd’hui. La seconde raison provient de la remise en question de la primauté du texte dans la transmission de la culture et la suprématie d’autres formes de support que l’écrit, à savoir les supports iconiques. La troisième raison consiste au changement de statut culturel de la littérature en France, dû d’une part, à l’essor d’autres disciplines vers les années 1980, qui a reculé le rôle culturel et social de la littérature, et d’autre part, au développement des médias et surtout de la télévision qui ont volé l’étendard de la main des hommes de lettres et des critiques littéraires. C’est ainsi que la «sous-culture est devenue la culture dominante, produisant des œuvres nulles pour non-lecteurs incapables de s’exprimer autrement que par borborygmes» (Bessard-Banquy, 2009, p. 9). En effet, non seulement la surabondance des livres publiés, le déclin de la critique littéraire spécialisée et la disparition des critères clairs de légitimité des œuvres compliquent la reconnaissance des textes de qualité mais de plus, les médias grand public favorisent une littérature accessible, adaptée aux lecteurs peu expérimentés, laissant la grande littérature aux médias spécialisés et aux librairies haut de gamme. Il est indéniable que depuis un certain temps, le livre a perdu de son importance dans la société postmoderne, laissant la place à l'audiovisuel et à l'électronique qui dominent désormais les loisirs et la culture. En effet, l’héritage du XIXe siècle imposait une vision très restrictive et rigide de ce qu'est la littérature. Cette conception, souvent véhiculée par la critique littéraire et les institutions éducatives, valorise une forme hiérarchisée de la «Littérature», qui délimite les frontières entre d’une part, la «grande» littérature et les œuvres considérées comme marginales, d’autre part entre la littérature en tant que texte et les autres formes d’expression artistique et littéraire. Cette vision considérait les autres médiums et les différents moyens d’expression plutôt comme une menace que comme une occasion. En se référant à Citton et à Gefen concernant les menaces technologiques et culturelle contre le paradigme intégrationniste de la littérature, Zokhtareh fait allusion aux rapports entre les nouvelles technologies et la littérature: «les nouveaux moyens d’expression entrent en rivalité avec une conception très restreinte de la littérature dans une lutte permanente pour capturer l’attention du public» (Zokhtareh, 2021, p. 20) car on est dans un monde caractérisé par le manque de temps où nous sommes «submergés par une offre pléthorique, qui a bien réussi à être produite, mais qui peine à être reçue à la hauteur des espoirs de ses producteurs» (Citton, 2015, p. 20). Toute une série d’activités paralittéraires que les auteurs contemporains n’hésitent pas à accomplir pour mieux faire connaître leurs œuvres, en témoignent bien. Jérome Meizoz en parle ainsi:
«Aujourd’hui, faire œuvre littéraire ne consiste pas seulement à publier un texte, mais bien à le décliner sous diverses formes et pratiques dont l’imprimé n’est que la trace. Performances, lectures, entretiens en public, balades littéraires, ateliers d’écriture, séances de bibliothérapie, dédicaces, sont autant de lieux et d’occasions qui étendent l’activité littéraire au-delà du livre» (Meizoz, 2020, p. 199).
En fait, le second volet de débat des déclinologues renvoie à la «crise de la lecture», comme évoque Olivier Bessard-Banquy (2012a, p. 171). Si le premier groupe des reproches renvoie directement à la littérature en la condamnant de ne pas - ou ne pas pouvoir - assez parler du monde, le second groupe attaque le monde «dont l’œuvre se nourrit, monde horizontal, écrasé, où la littérature, forme d’art supérieure, n’est plus possible, où la production culturelle standardisée à destination du très grand public conduit au rejet de tout ce qui est trop riche, ou trop fin» (Bessard-Banquy, 2012b, p. 171). Il s’agit en effet de cette «ère de l’écran», la «fin de la lecture comme fait culturel total» (Bessard-Banquy, 2012b) Ces discours de déchéance, retentissant d’ailleurs pendant presque une décennie, d’une forte résonance, s’affrontent à des débats opposés qui ne croient absolument pas ni à la mort de la littérature, ni à celle de l’écrivain ou de la culture française.
Que se passe-il dans le camp des défenseurs de la vitalité de la littérature contemporaine? Dans le parti opposé, se trouvent les écrivains et les critiques littéraires qui prétendent que, contrairement aux provocations des déclinologues, «la littérature française contemporaine est de qualité et de grand intérêt» (Viart, 2009, p. 1). Parmi eux, on peut citer Dominique Viart, Bruno Blanckeman et Alexandre Gefen dont nous nous attachons à explorer ici les idées. Dans un entretien avec Alexandre Gefen et en réponse à une question l’interrogeant sur la nécessité de défendre la vitalité de la «littérature au présent», Dominique Viart avance que «les livres se défendent seuls, qu’ils imposent leur puissance de fascination et de questionnement, même s’il y faut parfois du temps» (Viart, 2009, p. 1). Il suppose en plus que non seulement il existe des œuvres de premier plan qui s’élaborent depuis la fin des années 1970 mais de plus, il y a un grand nombre d’œuvres, «extrêmement prometteuses, [qui] naissent sous nos yeux» (Viart, 2009, p. 1). L’originalité de la littérature contemporaine réside dans le fait qu’elle n’a pas abandonné les exigences formelles des avant-gardes, mais que sa finalité a évolué. En effet, au lieu de privilégier uniquement l’expérimentation formelle ou la rupture avec la tradition, comme c’était le cas dans certaines avant-gardes, les écrivains actuels s’attachent à interroger de nouvelles problématiques longtemps laissées en suspens. Ainsi, des auteurs comme Édouard Louis, dans En finir avec Eddy Bellegueule, placent la littérature au service d’une réflexion sur les inégalités sociales et la violence de classe. Annie Ernaux, dans Les Années, transforme l’autobiographie en un espace de mémoire collective, croisant histoire personnelle et sociologie. Et Mathias Énard, avec Boussole, met en récit un dialogue entre Orient et Occident, proposant une vision érudite mais engagée du monde contemporain. Ces exemples illustrent comment la littérature actuelle ne se contente plus d’être une recherche sur la forme, mais qu’elle vise également à questionner des enjeux sociaux, politiques et existentiels. Dominique Viart, en mettant en avant ces transformations, remet ainsi en cause les discours proclamant la «fin» de la littérature et insiste sur les mutations profondes du concept même d’œuvre littéraire et du statut de l’écrivain. En revenant à la réflexion de William Marx dans L’Adieu à la littérature (2005) qui postule que «c’est la littérature qui en se dévalorisant de l’intérieur, aurait, elle-même, énoncé et mis en scène sa propre fin» (Viart, 2009, p. 3), Viart conteste cette idée. Il souligne que cette affirmation ne prend pas en considération les mutations extérieures, socio-culturelles, ni les lois du marché. Au contraire, il soutient qu'il s'agit là d'un choix, affirmant que: «c’est de l’avoir choisi». Il conclut ainsi: «Belle preuve, à certains égards, de sa puissance préservée, non? […] Qui se donne naissance et se met à mort motu proprio, affichant et célébrant paradoxalement ainsi non sa fin mais sa toute-puissance» (Viart, 2009, p. 3). Viart ne trouve au fond de ce qu’on baptise strictement la mort de la littérature que des changements et des évolutions. Ces changements, liés autant au statut social de l’écrivain qu’à sa langue, correspondent à la fois à l’intérieur des mouvements littéraires et aux conditions de production littéraire et le marché culturel. Il ajoute que «la différence, entre notre temps et ces époques plus lointaines est plutôt question de regard et de relais. […] Les anciennes grandes revues, auxquelles tout un public lettré faisait confiance, ont cédé la place.» (Viart, 2009, p. 5). Bruno Blanckeman met en évidence le même changement de statut culturel de la littérature, lorsqu’il analyse le sentiment de désenchantement «fin de siècle» qui est caractéristique de la critique littéraire française depuis les années 80. Il remarque qu’avec la mort d’une génération des écrivains et des critiques à la fin du XXe siècle, est mort aussi ce regard rétrospectif et militant qui pense au rôle de la littérature comme une rigoureuse institution culturelle, prenant position dans les débats politiques et rendant l’écrivain une figure-phare dans la société. (Blanckeman, 2015, p. 1). L’évolution langagière ainsi que formelle qui correspond à ces changements de statut, est déjà visible chez les écrivains modernes de XXe siècle, qui «tentent de trouver les voies d’un dire inouï qui permette de nouvelles perceptions du monde» (Viart, 2009, p. 6). D’après Viart, la littérature contemporaine est une continuation, un perpétuellement de cette lignée qui existe depuis Faulkner, Claude Simon, Joyce et Beckett et qui essaie de correspondre à sa nouvelle position parmi les biens culturels audiovisuels, beaucoup plus nombreux que jadis. Viart argumente en sus que la littérature d’aujourd’hui, naïvement proclamée morte par les discours qui «s'arcqueboutent sur leurs valeurs et leurs certitudes» (2009, p. 25), essaie derechef à déconcentrer son lecteur, à le pousser vers le monde inquiétant de l’inconnu, loin de la nostalgie des conservateurs. L’essentiel est, selon lui, qu’une œuvre soit jugée par les lois et les valeurs qu’elle s’impose et non pas par celles qui lui sont imposées, soit à travers l’histoire littéraire soit avec une rigidité morale ultra-littéraire. Blanckeman évoque en revanche un manque de rigueur critique au niveau d’évaluation des œuvres, où parmi l’énorme quantité des romans publiés chaque année, «le choix semble tellement vaste qu’il en devient arbitraire» (Blanckeman, 2015, p. 2). Cette énormité de publication, d’après lui, rend difficile la possibilité d’une distinction entre la littérature en tant qu’un art créatif, et celle subordonnée à un marché de l’industrie des loisirs, consommée massivement par le peuple. Il essaie de répudier l’indifférence et l’indistinction, de marcher sur les entrelacs de reconnaissance et de repoussement de la littérature contemporaine, en repérant des critères essentiellement pour valoriser les œuvres véridiquement littéraires et les isoler de la masse production culturelle. Il propose enfin une liste de cent romans et récits contemporains (de 1974 à 2014) de la langue française, qu’il oppose à la notion du déclin de la littérature. Il affirme les critères de la littérarité dans les romans mentionnés, qui interrogent le monde de leur environ et découvrent les angles morts de leur présent, transposent ce monde dans l’imagination des mots et qui servent enfin à la fois comme un conservatoire et un laboratoire de la langue ordinaire. L’idée de la régénération de la littérature est reprise cette fois mais d’une manière différente, par Emmanuel Bouju, spécialiste de la théorie littéraire et des littératures européennes contemporaines, qui postule, en analysant l’œuvre d’Enrique Vila-Matas, romancier espagnol «proprement hanté par la disparition de la littérature», que la littérature naît de sa disparition même, la disparition étant un sujet fondateur d’une littérature contemporaine. Cette littérature «consiste à retourner ironiquement en vertu créatrice cette mélancolie, et particulièrement cette mélancolie du modernisme qui hante le roman contemporain comme le souvenir d’une assomption idéale et d’une mort parfaite.» (Bouju, 2012, p. 223) Selon Bouju, la littérature contemporaine est surtout marquée par une prévalence de réécriture, de l’existence des «texte[s] cousu[s] de citations» et des références intertextuelles. L’écrivain a donc le métier d’un copiste qui doit subir le poids lourd de la tradition et de l’autorité des textes qu’il cite. Chaque tentation de l’écriture est ainsi accompagnée d’une mélancolie qui atteste la vanité de l’écriture et son impossibilité. Mais par ailleurs, si la littérature contemporaine est le témoin scrupuleux de sa disparition, elle la survie et la fait «le moyen d’une résurrection ironique» (Bouju, 2012, p. 229). Bouju conclut ainsi, en faisant une analyse approfondie de l’œuvre de Vila-Matas, que S’ajoute à cela l’aspect «thérapeutique» de la littérature contemporaine, où, selon Gefen, «les individus fragiles, les oubliés de la grande histoire, les communautés ravagées sont les héros» (Gefen, 2017, p. 9). De plus en plus, la littérature semble jouer un rôle de réparation, tant sur le plan individuel que collectif. De son côté, Réparer les vivants (2013) de Maylis de Kerangal illustre une autre forme de réparation, à la fois physique et émotionnelle. Ainsi, après avoir examiné ces différentes perspectives sur la vitalité de la littérature contemporaine française, cette étude, en s’appuyant sur les réflexions de Viart et Gefen, cherchera à répondre à une question essentielle: la littérature permet-elle d’éclairer, au moins partiellement, la complexité du monde actuel? Peut-on parler d’une véritable renaissance littéraire, marquée par de nouvelles formes d’engagement et de représentation du réel?
Une soif de réel: le retour à l’engagement et à la littérature sociale A notre époque où on a bien affaire à «une modernité plurielle ou plus exactement différenciée» (Juvin & Lipovetsky, 2010, p. 70), l’accès à la réalité apparaît comme une nécessité. Comme l’exprime bien Dion: «notre époque a soif de réalité, comme si longtemps elle avait été privée, dans le domaine artistique tout particulièrement, d'un rapport direct aux choses». (Dion, 2018, p. 12) Dominique Viart, dans La littérature française au présent, précise qu’il est au début des années 1980 que la littérature française renoue avec le réel. À cette époque, la littérature sort de sa clôture et se reconnecte avec le monde extérieur et d'autres disciplines, notamment la sociologie. Viart évoque une «littérature relationnelle» qui devient «transitive»: cette littérature s'intéresse au sujet, au réel, à l’histoire, et au monde social. Selon lui, elle aborde ces éléments non pas comme des vérités absolues, mais comme des questions à poser. Selon Gefen dans Réparer le monde. La Littérature française face au XXIe siècle, cette littérature montre une sorte de tendance de «venir à l’aide des exigences souvent contradictoires de l’individualisme, de l’attention altruiste et d’une demande collective de resocialisation en contexte de crise.» (Gefen, 2017, p. 217) Ainsi, dans ce contexte de crise sociale, on constate que des écrivains comme François Bon (Sortie d’usine, 1982), Leslie Kaplan (L’excès d’usine, 1982), ou encore Le Clézio (La Ronde et autres faits divers, 1982) portent un regard nouveau sur les faits divers, sur les réalités sociales et économiques de la vie quotidienne. Selon Blanckeman, cette littérature est moins une représentation mimétique du réel qu'une délibération critique sur celui-ci, une réflexion appliquée sur les tensions sociales et historiques. Le roman devient ainsi un espace social, existentiel, et historique, exigeant une connaissance approfondie du monde réel. Nous pouvons ainsi répondre à notre première question de recherche: la littérature contemporaine, bien plus qu'un simple reflet de la société, se révèle un espace de dialogue et de tensions fécondes. Elle témoigne à la fois d'une fragmentation du monde et d'une quête constante de réinvention. À la fois, l’écho d'un passé dont elle hérite et miroir des nouveaux horizons qu'elle explore, elle nous invite à interroger notre rapport à l'identité, à l'altérité et à imaginer de nouvelles formes de communauté et de solidarité face aux mutations de notre époque. En effet, cette littérature fait le pari du retour au récit et au référent, soulignant son lien avec le social et l’historique. En l’occurrence, la référence à l’histoire se pare aussi de réflexions sociologiques, comme en témoignent les romans d’Annie Ernaux, La place (1984), Une femme (1987), ou encore d’analyses politiques et historiques chez Gérard Mordillat, Les Cinq Parties du monde (1985) et Françoise Chandernagor, L’Allée du Roi (1981) sans pour autant revendiquer la vérité absolue du récit, car ils reconnaissent le statut incertain d’un événement raconté. Pour Viart, une telle démarche forge une éthique de la responsabilité qui replace l’écrivain au cœur de la communauté. L’engagement, dans cette perspective, est une manière pour l’écrivain de participer au débat politique et aux luttes sociales. Viart souligne que l’écrivain doit quitter sa «tour d’ivoire» pour prendre part à l’arène publique. Cependant, la définition de l’engagement est mouvante et varie selon les époques et les contextes. Ce qui marque l’engagement aujourd’hui, ce sont les relations entre la littérature et la société. L'analyse d'un corpus restreint de critiques littéraires, d'essais et de romans français publiés entre 2000 et 2020 a permis de préciser le positionnement de l'écrivain dans le contexte contemporain. Si certains auteurs privilégient des formes narratives éclatées, des jeux de langage complexes et une esthétique du fragment, reflétant la fragmentation de l'expérience contemporaine, d'autres renouent avec des formes narratives plus classiques, explorant des thèmes intemporels tels que la quête de justice ou la famille. Cependant, tous témoignent d'un engagement profond dans les débats contemporains, en offrant une réflexion critique sur les conséquences de la mondialisation et les défis de la modernité. L'analyse thématique des romans récents confirme ce constat: l'écrivain contemporain engage sa plume dans la fictionnalisation de l'altérité, donnant voix à l'Autre, à ce qui est marginalisé ou oublié dans les discours dominants En passant en revue les œuvres littéraires publiées récemment, on observe que l’altérité, qui constitue l’enjeu majeur du XXIe siècle, occupe une place centrale dans la littérature contemporaine. De nombreux récits actuels se concentrent sur les vies des «individus fragiles» ou des «oubliés de l’histoire», souvent ceux qui n’ont pas voix au chapitre dans les discours dominants. A ce propos, on pourrait faire allusion aux récits qualifiés en tant que «médecine narrative», comme le livre de Carrère, qui sont l'espace de la compréhension de la situation difficile d’autrui grâce au pouvoir de l'imagination. Cette «littérature attentionnelle», comme l'appelle Gefen, se caractérise par un accès profond à l’intériorité d’autrui, une manière de donner une voix à ceux qui en sont privés. Cela est la représentation d’une nouvelle sorte de l’engagement de la littérature contemporaine. La représentation de l’altérité varie d'un écrivain à l'autre: certains se concentrent sur l’altérité du dehors, celle des peuples ou groupes étrangers, tandis que d’autres abordent l’altérité du dedans, celle des personnes marquées par une différence sociale, culturelle ou sexuelle, source de malaise et de menace. Certains écrivains, comme François Bon, prennent en charge la représentation de la souffrance dans des lieux de travail difficiles où des individus semblent invisibles ou abandonnés. Selon Bon, «Si les ouvrières n’ont plus leur place nulle part, que le roman soit mémoire». (Bon, 2004, p. quatrième de couverture) Cette attention portée aux démunis, aux exclus, est également présente chez des écrivains francophones comme Patrick Chamoiseau, Emile Ollivier ou Fatou Diome, qui abordent la question de l’altérité en lien avec leurs origines, leurs expériences de l'exil, ou encore leur confrontation avec des sociétés dominantes. Ces écrivains traitent l’altérité de manière à rendre visible ce qui est trop souvent ignoré. Comme l'explique bien Gefen, les écrivains écrivent ce que « l’individu a du mal à formuler lui-même, ce que le subalterne (par le travail, par son origine ou par sa minorité sexuelle) n’est pas en position d’énoncer, ce que le marginal n’a pas la capacité de penser, au profit d’une société qui n’a pas les capacités à entendre, quitte à en perturber, pour mieux les retravailler, les systèmes de valeurs» (Gefen, 2017, p. 204). Patrick Chamoiseau dans son Frères migrants a essayé de sensibiliser son destinateur à ce dont souffre la société d'aujourd'hui, c'est-à-dire l’indifférence:
«⦏…⦐ à l'époque dite de la mondialisation, l'Europe existe aujourd'hui dans l'oubli du monde, dans une absence au monde qui s'accompagne d'une incapacité à accueillir ce qui est défini comme son dehors, ce qu'est l'Europe aujourd'hui se définit par un appauvrissement de l'expérience du monde, expérience dont les migrants sont porteurs.» (Chamoiseau, 2017, p. 40)
Cet extrait du livre de Chamoiseau témoigne bien du rôle que l’écrivain s’est assigné: l'intégration dans le dévoilement de la réalité, ce qui est reconnu par Gefen, comme la caractéristique de la littérature française contemporaine:
Alors que la littérature d’avant les années 1980 pouvait se prévaloir d’une critique endogène, linguistique, technique, et d’un regard sur elle-même informé uniquement par sa propre histoire, c’est en termes d’éthique et de micropolitique des sujets que les contemporains rendent compte de leurs projets, réintroduisant des formes de conscience du monde et d’autrui qui se donnent comme singulières. (Gefen, 2017, p. 50)
Les analyses de Gefen soulignent l’importance de ce que l’on appelle l’éthique du care, une approche qui repose sur une attention particulière à l’Autre et sur une responsabilité partagée pour les êtres humains marginalisés ou souffrants. Ce type de littérature perturbe ainsi les systèmes de valeurs en place et pousse à une réflexion plus profonde sur le statut de l’Autre dans la société contemporaine. La société postmoderne, contrairement à la société traditionnelle, n’est pas homogène. Elle est plurielle, et cette pluralité rend les liens interpersonnels complexes. Dans un monde fragmenté, les gens semblent de plus en plus incapables de se comprendre, et la société apparaît souvent comme étrangère à elle-même. Cette déconnexion se manifeste par des phénomènes comme l’indifférence de masse, la banalisation de l'innovation et l'ambiguïté des relations humaines. Dans ce contexte, la supériorité de l’individu sur la foule devient évidente, et la quête personnelle du soi éclipse souvent les préoccupations collectives et sociales. L'individualisme exacerbé de la société postmoderne semble rendre l'Autre secondaire. L’homme contemporain est souvent perçu comme s’éloignant des conventions sociales et des relations authentiques, plongé dans une quête incessante de lui-même. Les relations interpersonnelles sont marquées par une indifférence, où l’Autre devient plus une source de protection que d'engagement. En d'autres termes, l'Ego a neutralisé l'Autrui, et les relations humaines sont désormais vues à travers le prisme d’un intérêt personnel. Ainsi, dans cette société marquée par le déclin des liens traditionnels et l'indifférence, la littérature devient un espace où l’Autre peut être redéfini et réhabilité. Le regard porté sur Autrui dans la littérature contemporaine interroge cette quête de soi et cherche à redonner une voix à ceux qui sont réduits au silence par la logique individuelle dominante. L’écrivain devient le médiateur entre l’Autre et la société, offrant une réflexion sur les rapports de l'individu à la collectivité dans un monde où l’interconnexion humaine devient de plus en plus fragmentée.
Conclusion Dans un monde où les tensions sociétales, culturelles et politiques sont de plus en plus perceptibles, la question de la place de la littérature, de son rôle et de sa vitalité se pose avec acuité. Nous avons exploré, à travers cet article, les différentes perspectives qui s’opposent et se complètent pour donner un aperçu des évolutions qui marquent la littérature contemporaine. Si, d’un côté, certains soutiennent l’idée du déclin de la littérature traditionnelle, souvent perçue comme une forme d’art épuisée par la société de consommation, d’un autre côté, de nombreux écrivains et critiques affirment que la littérature continue de vivre, se réinvente et trouve encore sa place dans les débats publics. Nous avons constaté que pour les défenseurs de la vitalité de la littérature contemporaine, comme Dominique Viart et Alexandre Gefen, la littérature ne se trouve pas à l'agonie, mais traverse une transformation en profondeur. La remise en question des formes traditionnelles n’est pas un signe de faiblesse, mais plutôt un processus créatif qui permet à la littérature de répondre aux nouvelles interrogations sociales, esthétiques et éthiques. Cette littérature dite «relationnelle» est une forme d’engagement, certes différente de celle des époques passées, mais tout aussi essentielle pour redonner une voix aux invisibles et aux marginalisés. En effet, ce retour à l’engagement se manifeste à travers une attention renouvelée à l’altérité, à l’identité et à l’histoire sociale. Cette littérature ne cherche pas à proposer des vérités absolues ou des réponses simples, mais plutôt à ouvrir un espace de réflexion sur les tensions sociales et les fractures de notre époque. C’est ainsi que l’on pourrait parler du retour au réel, où la littérature s’efforce de renouer avec une représentation du monde qui soit plus en phase avec les préoccupations collectives actuelles. L’écrivain se fait témoin, mais aussi acteur dans une société où l’individualisme et la fragmentation sont de plus en plus prégnants. En définitive, la littérature d’aujourd’hui s’éloigne peut-être de ses formes traditionnelles, mais elle ne s’effondre pas pour autant. Bien au contraire, elle se réinvente et trouve une nouvelle place dans un monde en constante mutation. Loin de se laisser engloutir par les changements sociaux, économiques et technologiques, elle s’adapte et devient le reflet d’une société plurielle, traversée par de multiples voix. Dans cette dynamique de renouveau, il est intéressant de s’interroger sur l'impact des nouvelles technologies et de l’évolution des modes de consommation de la littérature. Les livres numériques, les réseaux sociaux, ou encore l’émergence d’une littérature générée par l’intelligence artificielle, modifient profondément les rapports entre l’écrivain, le texte et le lecteur. La littérature contemporaine doit-elle intégrer ces nouveaux outils et langages pour continuer à remplir sa fonction sociale et politique, ou risque-t-elle de perdre sa capacité à questionner et à nourrir une réflexion collective? En outre, dans un monde de plus en plus globalisé et interconnecté, comment la littérature peut-elle s’adapter pour prendre en compte une diversité culturelle toujours plus grande et répondre aux enjeux des inégalités mondiales? La littérature se trouve donc à un carrefour où elle doit réinventer ses formes tout en restant fidèle à sa mission première : éclairer les réalités sociales et humaines. Ainsi, l'avenir de la littérature semble résider dans sa capacité à se réinventer, à s’adapter aux transformations du monde moderne, tout en gardant intact son rôle d’engagement, de réflexion critique et d’émotion partagée.
[1] La Princesse de Clèves est un roman publié en 1678 par Madame de La Fayette, souvent considéré comme l'un des premiers romans modernes en raison de son exploration approfondie des émotions et des conflits internes des personnages. Nicolas Sarkozy mentionne ce roman en tant qu’un exemple de la littérature classique qu'il perçoit comme une connaissance théorique et “inutile”. Les critiques à son encontre soulignent qu'en tant que président, il aurait dû valoriser la culture et l'éducation plutôt que de dénigrer une œuvre canonique de la littérature française. Ce débat sur ses commentaires révèle des questions plus larges sur le statut de la littérature dans la société contemporaine et le rôle des leaders politiques dans sa promotion. [2] La notion de la "mort de l’auteur," est un concept popularisé par Roland Barthes dans son essai de 1968. Cela signifie que l'œuvre d'un auteur doit être dissociée de sa biographie ou de son intention, et qu'elle prend une vie propre une fois publiée. Bouju explore comment, malgré cette théorie, la disparition de l'auteur peut être interprétée différemment dans la littérature contemporaine. Selon lui, la mort de l'auteur ne signifie pas une fin, mais plutôt une occasion pour les écrivains de réinventer l'écriture. Il évoque l'idée que les auteurs continuent à "survivre" à leur propre mort en réinterprétant et en réinventant leurs œuvres, ce qui leur permet de maintenir une présence dans le discours littéraire. | ||
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