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Le choix des personnages féminins chez Colette et Anna Gavalda | ||
Revue des Études de la Langue Française | ||
مقاله 11، دوره 13، شماره 1 - شماره پیاپی 24، مهر 2021، صفحه 143-158 اصل مقاله (920.68 K) | ||
نوع مقاله: Original Article | ||
شناسه دیجیتال (DOI): 10.22108/relf.2022.131925.1180 | ||
نویسندگان | ||
Mahboubeh Ghazian1؛ Neda Atash Vahidi* 2 | ||
1Doctorante en langue et littérature françaises ; Département de français, Branche centrale de Téhéran, Université Azad Islamique, Téhéran, Iran | ||
2Professeure assistante, Département de français, Branche centrale de Téhéran, Université Azad Islamique, Téhéran, Iran | ||
چکیده | ||
Depuis longtemps, la place de la femme dans la société a été le sujet de maintes controverses dans les études critiques qui se centraient surtout sur les protagonistes féminins des ouvrages littéraires. Le personnage du récit est l’un des éléments constitutifs dans le processus de narration dont les caractéristiques, psychologiques et physiques, attribuées par l'auteur font non seulement progresser le récit, mais sont aussi représentatives de la société du texte ainsi que la société de référence. De ce fait, nous avons décidé d’entreprendre une étude comparative des personnages féminins dans certaines œuvres de Colette et d’Anna Gavalda, dans un cadre sociocritique et selon les théories de Claude Duchet, afin de distinguer la place de la femme et son évolution dans la société du XXe siècle. Les héroïnes dans les œuvres de Colette et de Gavalda présentent-elles des ressemblances ou des différences ? Comment les personnages féminins de la société du texte sont-elles le reflet des femmes dans la société de référence ? Cette recherche nous a prouvé que le choix des personnages féminins chez ces deux écrivaines était significatif, du fait qu'ils sont chacun en quelque sorte, le double de leur créatrice et le miroir de la société de l’époque. | ||
کلیدواژهها | ||
Literary Works؛ Character؛ Women؛ Society of the Text؛ The Reference Society | ||
اصل مقاله | ||
Introduction Certes le choix des personnages, fictifs ou réels, dans un récit est de première importance du fait qu'ils constituent le pilier de l'intrigue et qu'ils sont surtout, l'objet principal de l'analyse psychologique. Chaque personnage a un rôle décisif dans le déroulement de l'intrigue et l'auteur doit faire de sorte qu'il puisse donner une illusion du réel à son lecteur ; de ce fait, il lui attribue une identité : un état civil, une activité sociale, une psychologie qui le diffère d'autrui, dans un espace et un temps précis. Et cela, sans avoir considéré le travail des nouveaux romanciers qui ont dévalorisé le personnage du récit. En effet, l’auteur présente le personnage comme une copie véritable de l'être humain et lui donne la crédibilité d'avoir une vérité psychologique dans l'objectif de rendre son travail d'écriture de plus en plus légitime. Bien que le personnage soit une création fictive de l'auteur, son caractère ne l'est pas : de nombreux personnages dans les récits sont des personnages authentiques qui ont déjà existé dans la réalité, ou qu'ils appartiennent à un récit autodiégétique qui transgresse les limites de la fiction pour s'approcher du réel. L'œuvre littéraire n'est pas un travail purement conscient, ni entièrement inconscient, mais c'est sa dimension inconsciente qui est la source de l'inspiration de l'auteur et dont le discernement des traces serait intéressant. Selon Roland Barthes, « L'œuvre détient en même temps plusieurs sens par structure, non par infirmité de ceux qui la disent. C'est en cela qu'elle est symbolique. Le symbole, ce n'est pas un mirage, c'est la pluralité même des sens » (Barthes, 1966 : 54-55). En nous appuyant sur l'idée de la pluralité de sens dans un texte littéraire, nous avons décidé d'aborder les œuvres de Colette et de Gavalda, d'un point de vue comparatif, et cela dans le cadre de la sociocritique de Claude Duchet afin de saisir la socialité dans la production littéraire de ces deux écrivaines et d'examiner le discours social qui définit la place de la femme dans la société du XXe siècle. Dans cette perspective, nous avons choisi la série de Claudine, Chéri et Le Blé en herbe de Colette, et Je l’aimais, L’Échappée belle et Ensemble, c’est tout d’Anna Gavalda et nous avons tenté de chercher à savoir quels sont les traits caractéristiques de leurs héroïnes. Peut-on dire qu'elles se ressemblent? Les femmes dans les œuvres de Colette et de Gavalda, sont-elles des créations fictives ou réelles, en quelque sorte des représentantes du Moi social de leur auteure ? Bien que ces deux écrivaines soient contemporaines, leur choix de style et d'écriture diffère certes, du fait que l’une fait partie des romancières du début du siècle et l’autre continue toujours à écrire de nos jours. Avant d'aborder cette étude, il s'avérait indispensable d'avoir un bref survol sur la sociocritique de Claude Duchet, et de préciser les différentes étapes de cette approche selon les théories de ce critique pour accéder aux réponses des questions ci-dessus, car le souci de la sociocritique, selon Duchet, est de procéder de telle façon à pouvoir accéder à la socialité des textes littéraires, à savoir la mise en texte. Cet examen nous aiderait à savoir la cause du choix des personnages féminins chez Colette et Anna Gavalda.
Antécédents Nombreuses sont des études consacrées à Colette, cette auteure célèbre française, avec des points de vue différents : Dans son séminaire doctoral, Julia Kristeva a parlé de « Colette : une reine de la bisexualité » (Kristeva, 2012). Il a discuté du caractère androgyne de Colette, tout en affirmant que cet androgynat existait aussi chez ses maris et ses partenaires. En effet, cette tendance chez l’écrivaine était endogène et se manifestait même en tant qu'un refuge, un sentiment parental comme la volupté entre mère et fille dont Mathilde de Morny dite Missy était la source. (Kristeva, 2012) Dans Le corps féminin, corps textuel, (Resch, 1973) Yannick Resch a analysé cinq romans de Colette et prétend que l’œuvre colettienne représente un ensemble où la description des personnages, particulièrement des personnages féminins, occupe une place centrale ayant un rôle clé dans l’agencement des romans ; et toujours selon Resch cette description est en corrélation directe avec le corps. De son côté, le corps a aussi une relation directe avec l'espace qui l'entoure. Vanessa Courville, dans un article de Presse universitaire de Rennes, "Chéri androgyne : l'ambivalence des figures colettiennes" a abordé le problème de l'androgynat des personnages de Chéri et de La Fin de Chéri (Courville, 2016). L'auteure prétend que l'androgynat est en effet un mythe originel qui traduit un certain manque chez l'individu, et que Colette a désacralisé. Quant à Gavalda, comme nous l'avons déjà dit, les études sur les œuvres de cette écrivaine se limitent à quelques articles et interviews. En tant qu’exemple, Pierre Jourde, dans Le Jourde et Naulleau étudie l’écriture des écrivains jugés par les critiques de la littérature de qualité et celle des écrivains contemporains dites populaires. Il écrit ainsi à propos de Gavalda : « La figure d’Anna Gavalda résume bien ce brouillage de repères entre textes de consommation courante et littérature exigeante. Ses textes faciles, consensuels et pleins de bons sentiments unissent dans l’éloge la presse populaire et les magazines culturels spécialisés » (Jourde et Naulleau, 2008). La réception de Ensemble, c’est tout de Gavalda est l'objet d'étude de Madeleine Hernberg Carlehed. Elle y a étudié la réception de cette œuvre selon les théories de Diana Presada qui avait rédigé un article sur la réception littéraire de Je l'aimais. Hernberg écrit ainsi : " Nous avons choisi de faire notre analyse à partir d’une comparaison des moyens narratifs trouvés par Presada dans son analyse de Je l’aimais avec les commentaires des lecteurs d’Ensemble, c’est tout. D’après l’analyse de Presada, nous pourrions diviser les moyens utilisés par Gavalda en trois groupes : « l’illusion du réel », « une réécriture sentimentale » et « minimalisme stylistique »" (Hernberg Carlehed, 2014 : 5).
Mahmoud Reza Sazvari est l'auteur d'un article qui compare le féminisme dans les œuvres d'Anna Gavalda et de Zoya Pirzad : « Un regard sur le féminisme dans les œuvres de Zoya Pirzad et d'Anna Gavalda » (Sazvari, 1394). Son objectif est d'examiner le regard sur la femme en Iran et en France, deux pays avec des conditions, des traditions et des opinions différentes. Il arrive à cette conclusion que les femmes chez Pirzad sont en général des opprimées qui finissent par être soumises et se consacrent à leur famille, tandis que chez Gavalda, la femme se voit obligée de continuer sa vie sans se contraindre aux attachements familiaux.
L'importance de la relation entre les personnages dans la sociocritique de Claude Duchet Duchet prétend que le roman est langage et travail sur le langage ; c'est pourquoi un texte littéraire est le social (Duchet a, 1979 : 42). Dans l'objectif de désigner le produit et l’effet d’une lecture active du social, il précise qu'il est nécessaire de repérer dans un roman, la société de référence et une pratique sociale qui pourraient être considérées en tant que socialité. Il ajoute encore que ce n’est pas seulement la thématique de l’ouvrage qui est représentative de la socialité, mais aussi à travers le discours social, et les caractéristiques des personnages, nous pouvons rechercher la dimension sociale au sein de l’écriture. Donc, ce qui compte, c'est le texte considéré comme matière de langage et sa lecture interne dans l'objectif de cerner les sens latents. En d'autres termes, « c’est dans la spécificité esthétique même, la dimension valeur des textes, que la sociocritique s’efforce de lire cette présence des œuvres au monde qu’elle appelle la socialité » (Duchet a, 1979 :4). Prenant en compte qu'un texte est un univers fictif, la société du texte peut être définie comme l'espace diégétique en relation avec la société créée par l'auteur. Claude Duchet l'explique ainsi : « […] pour une démarche sociocritique, il ne s’agit pas d’appliquer des normes et des étiquettes, mais d’interroger des pratiques romanesques en tant que productrices d’un espace social, que j’ai proposé d’appeler société de roman » (Duchet b, 2006 : 1). Quant à la société de référence, selon Duchet, c'est : « Le roman comme forme clé de la constitution de l’imaginaire social, comme lieu spécifique d’inscription du social et comme production d’un sens nouveau, a été à la base du questionnement sociocritique à la fin des années soixante ». (Duchet c, 1993 : 3). Le roman est un lieu où l'auteur peut représenter tout ce qui se passe dans la société réelle. A vrai dire, dans l'examen des procédures de la mise en texte d'une œuvre, la sociocritique cherche ce qui est implicite, le non-dit ou l'impensé, les contradictions, tout ce qui montre une complexité et un déplacement sémantique, en somme tout ce qui relève du sens et non de la signification : « Duchet entendait dévoiler l’idéologie qui se dissimule dans le texte, en dénoncer les effets aliénants ou en souligner le pouvoir de démystification » (Amossy, 2009 : 118). Alors, le but de la sociocritique est de dégager la socialité du texte et de mettre en valeur son historicité, c'est pourquoi la sociocritique est appelée aussi sociosémiotique et peut se définir une herméneutique sociale des textes. Un autre principe important qu’on pourrait mentionner dans les travaux de Duchet, c’est l’analyse du discours social, du fait qu’il englobe toutes les activités sociales et tous les avis publics de la société du roman qui se manifestent dans le texte, et cela grâce aux personnages du récit. Ce discours révèle en effet, à travers même des contradictions, les modes de pensée, les connaissances qui nous conduisent vers un nombre de noyaux conflictuels que Duchet appelle Sociogramme : « le terme de sociogramme est un instrument conceptuel, qui aide à penser ensemble ce qui est de l'ordre du discours (des discours tenus sur tel ou tel élément de la réalité, discours tenus dans le monde pour des différentes disciplines, différentes instances des paroles, discours de pouvoir, discours de Droit, discours de la politique, etc. » (Duchet e, 1995 : 33). C’est à travers les personnages, leurs dialogues et la narration dans le récit que, selon Duchet, nous pouvons saisir les autres discours de la société, que ce soit politique, économique ou culturel. A ce propos, Francis Berthelot insiste sur l'importance de la parole en prétendant que, « si les yeux sont le miroir de l'âme, la parole est celui de l'être, sous tous ses aspects » (Berthelot, 2001: 205). Par conséquent, la sociocritique est une approche qui nous donne l'occasion d'observer la vision du monde paradoxale d’une œuvre, de distinguer les efforts de certains personnages dans la réalisation de leurs aspirations, de leurs ambitions, etc. ou encore leur déclin dans la société. Le discours social est « […] l’ensemble langagier ou discursif pouvant caractériser un certain moment historiquement et socialement défini, selon des découpages plus ou moins justifiés » (Duchet c, 1993:3). En d'autres termes, c'est ce qui dans le récit représente un ensemble de faits sociaux, dits ou écrits. Prenant en compte ces éléments constitutifs de la théorie sociocritique duchetienne, l'analyse sociocritique des œuvres de Colette et d'Anna Gavalda nous préciserait la situation sociale des femmes au moment de la production des œuvres de ces deux auteures.
Étude comparative des personnages féminins chez Colette et Anna Gavalda Bien qu'appartenant à des périodes différentes, Colette et Anna Gavalda se montrent bien des ressemblances du point de vue de leur choix de personnages féminins. Dans l'intention de créer des personnages féminins forts et indépendants dans une société fortement maîtrisée par le pouvoir des hommes, Colette s'est affirmée comme une auteure intelligente qui a bien su créer cet univers dans sa production littéraire et présenter la puissance et les capacités des femmes.
Dans la série de Claudine, inaugurée par Claudine à l'école, l'héroïne qui a donné son nom au titre, est une jeune adolescente de quinze ans laissée libre par son père occupé de ses recherches, et est en quelque sorte, représentante de sa créatrice, du fait que l'œuvre est créée avec une volonté autobiographique, bien qu'elle ne le soit pas purement. Colette y fait une satire de la société campagnarde, où elle avait passé son enfance, et même de la société parisienne dans le cycle de Claudine. L'héroïne de Colette est différente des autres filles, elle n'est pas une paysanne mais la fréquentation des enfants du village lui a offert un bon sens et une vision différente de la vie, quoique son père ne lui ait accordé aucune attention. Elle représente l'image de Colette, un rat de bibliothèque qui passe son temps dans la bibliothèque de son père. « Lecture à haute voix. Morceaux choisis. Zut ! Pour me distraire, je déplie sur mes genoux un numéro de L'Écho de Paris apporté en cas de leçon ennuyeuse, et je savoure le chic Mauvais désir de Lucien Muhfeld, quand Mlle Sergent m'interpelle : " Claudine, continuez ! »(Colette a, 2013:83).
Le récit présente un foisonnement de personnages féminins bisexuels, comme Mlle Sergent, la directrice de l'école Luce Lanthenay, la sœur malaimée d'Aimée. Contrairement aux autres femmes du récit, elle est l'image d'une créature faible en quête d'affection. Ce roman qui sera l'ouverture de la Série de Claudine sera un scandale, du fait que l'écrivaine affranchit les normes en mettant en scène la relation femme-femme, non pas dans l'objectif de montrer la femme en tant qu'objet, mais comme un symbole de la liberté dans tous les domaines ; en effet, elle voulait faire d'elle un sujet pour la narration. Claudine sera encore l'héroïne de certains d'autres récits de ce cycle et grandit au fur et à mesure que le roman progresse. Toujours avec les mêmes caractéristiques, cette héroïne libre dans une société fermée, à savoir son village natal, sera encore en pleine liberté dans l'âge adulte, et à Paris aura l'occasion d'entrer dans le monde et de vivre pleinement les pervers de cette période de vie. Colette critique la société de son temps et a l'intention de montrer la pensée populaire encore imprégnée de certaines lois qui dominaient le siècle précédent. En tant qu'exemple, dans Claudine à Paris, Colette fait allusion aux traditions du mariage des filles : « – Papa, est-ce que j’ai une dot ? – Qu’est-ce que ça peut te foutre ? – Tiens, tu es admirable ! On m’a demandée en mariage hier, ça peut recommencer demain. Il n’y a que le premier refus qui coûte » (Colette b, 1901 : 7).
C'est à Paris, et grâce à la rencontre de Renaud, son futur mari, que Claudine jusqu'alors enfant, sentira les besoins d'une femme et le désir d'être sous la dépendance d'un homme : une idée qui dominait la société depuis toujours. Détachée totalement de son univers enfantin, Claudine se voit surgir en elle une femme avec toutes ses sensations. « Dans la glace de droite, quelle drôle de Claudine, avec ses cheveux en plumes soufflées, ses yeux longs envahis de délice trouble, et sa bouche mouillée ! C’est l’autre Claudine, celle qui est « hors d’état » comme on dit chez nous. Et, en face d’elle, ce monsieur à reflets d’argent qui la regarde, qui la regarde, qui ne regarde qu’elle […] » (Colette b, 1901:234-235). Dans le roman suivant, Claudine en ménage, l'arrivée d'un autre personnage féminin, Rézi pour qui Claudine se sent une forte attirance perturbe pour quelque temps sa vie conjugale. En effet, Claudine reste l'héroïne de Colette qui, au début, apparaît dans le récit avec un ton vif de l'adolescence et qui cédera ensuite la place à la maturité. Elle est l'image d'une fille effrontée et immorale dont le lecteur fait la connaissance en tant qu'une adolescente tendre, et pleine de vivacité. La pudeur de l'intrigue réside en ce que cette héroïne se permet tout ce qui était encore interdit pour une femme à l'époque, et goûte tous les plaisirs que Paris lui offre. En cela, Claudine est l'alter ego de Colette. Dans Claudine s'en va Claudine cède la place à Annie, une femme complètement soumise à son mari qui lui dictait tout, lui organisait son emploi du temps. Laissée seule par son mari qui gérait son emploi du temps, elle se sent désarmée comme on peut le voir dans l'incipit : « Il est parti ! Il est parti ! Je le répète, je l'écris, pour savoir que cela est vrai, pour savoir si cela me ferait mal. Tant qu'il était là, je ne sentais pas qu'il partirait. Il s'agitait avec précision. Il donnait des ordres nets, […] » (Colette c, 1903 : 7). Pendant l'absence de son mari, Annie fréquente sa belle-sœur Marthe - qui cache le plus des secrets dans ce récit -, Claudine et Renaud et d'autres femmes libres, elle prend peu à peu conscience de sa situation en tant que femme et décide finalement de quitter son mari Alain qui l'avait trahie. Dans ce récit, Claudine réapparaît, mais en tant qu'un personnage féminin important qui influence la vie d'Annie. Elle est une femme exigeante, particulière dans son comportement, et étrange pour son époque qui fait tout ce qu'elle désire sans aucune honte. Marthe, la sœur d'Alain est une femme avec un esprit plus ouvert qu’Annie : elle critique le comportement de son frère et révèle sa liaison cachée avec Madame Chessenet. Elle a un mari qu'elle avait obligé à rédiger un roman : l'image renversée de Colette et de Willy ! Marthe aussi trompe son mari et pousse Annie à devenir sa complice dans sa relation avec son amant. L'homosexualité et la bisexualité sont encore deux caractéristiques des femmes protagonistes dans ce roman. Contrairement aux personnages féminins colettiens qui sont frivoles et scandaleux, les femmes dans les romans d'Anna Gavalda sont en général des gens ordinaires, familiers au lecteur, présentés au sein de leur vie quotidienne ; la plupart sont en prises des relations amoureuses compliquées, d'une crise d'identité personnelle, ou de mauvais souvenirs du passé qui ont marqué leur présent. C'est en effet, cette atmosphère du quotidien et les histoires qui sont un mélange d'aventures douces et amères qui ont fait de Gavalda une écrivaine populaire contemporaine. Entre autres, l'expérience personnelle de l'auteure a joué un rôle considérable dans sa création littéraire. Les personnages féminins incarnent le Double de leur auteure ; elles ont vécu les mêmes événements, les mêmes sentiments. En tant qu'exemple, Je l'aimais raconte l'histoire de Chloé Duppel, une femme abandonnée par son mari pour une autre "moins usée" : là, nous pouvons voir une similitude entre Chloé et Léa de Lonville dans Chéri de Colette. La rédaction est faite juste au moment de la séparation de Gavalda, laissée seule avec ses deux enfants. Tout au long du récit, le lecteur sera témoin de la situation pénible de l'héroïne durant la période du divorce qui est en réalité, l'expérience vécue par l'auteure même. Chloé Duppel, est l'image d'une femme soumise et satisfaite dans sa vie conjugale, femme et mère de deux enfants. Elle avait les préoccupations banales de ces femmes qui ne sont créées que pour le ménage : « Je feuilletais mon agenda pour organiser des dîners et je me limais les ongles en pensant aux vacances. Je me disais : Est-ce qu’on emmène les filles ou est-ce qu’on part tous les deux ? Enfin, vous voyez le genre de dilemme... » (Gavalda b, 2009 : 66). Des femmes faibles qui ne peuvent agir que par le soutien de leur mari, qui perdent leur féminité en faveur de la maternité qui envahit leur âme. Son beau-père essaie de lui faire croire que la vie n'est pas terminée, qu'elle pourra trouver sa satisfaction auprès de ses deux filles et en cherchant l'amour qu'elle mérite chez quelqu'un d'autre, qu'il ne faut jamais se sentir vaincue ; pourtant Chloé est désespérée : « Chaque pensée me tirait un peu plus vers le fond. J’étais fatiguée. J’ai fermé les yeux. Je rêvais qu’il arrivait. On entendait le bruit d’un moteur dans la cour, il s’asseyait près de moi, il m’embrassait et posait un doigt sur ma bouche pour faire une surprise aux filles » (Gavalda b, 2009 : 23). Le fait que son mari l'avait quittée pour une autre femme a causé chez Chloé un sentiment d'humiliation, et encore pire, le divorce était pour elle le signe de sa défaite. Lola est une autre figure féminine dans le court récit de Gavalda intitulé L'Échappée belle, le premier ouvrage d’Anna Gavalda rédigé en 2001. Elle est comme l’auteure divorcée et responsable de ses deux enfants. Dans son monologue intérieur, Garance, l’héroïne du récit la présente ainsi au lecteur : « Elle s’est mariée, je papillonne » (Gavalda b, 2009 : 63). Lola est l'image des femmes qui sont victimes du divorce, qui vivent une étape assez difficile dans leur vie et qui se sacrifient pour le bonheur de leurs enfants. En effet, l'histoire est centrée sur les relations familiales, surtout celles des frères et des sœurs. L'héroïne, Garance Lariot, raconte ses souvenirs d'enfance, d'adolescence et ses relations entre frères et sœurs dans des monologues intérieurs et révèle son idéal qui serait une relation fraternelle où chacun s'occupe de l'autre avec indulgence et gentillesse. Pourtant, la narratrice n'a pas seulement l'objectif de raconter les relations entre frères et sœurs, mais aussi celles qui peuvent exister dans la vie conjugale, en mettant en scène Carine, la femme de Simon, prototype des femmes difficiles à supporter. Elle est présentée comme une femme avare, incapable de rendre heureux son mari qui l'aime en dépit de tout. L’écart de deux générations et le trouble d'une relation interdite entre une femme âgée de 50 ans, Léa de Lonval, et Fred Peloux appelé Chéri est le sujet essentiel de Chéri rédigé par Colette en 1920. Léa est une bourgeoise parisienne scandaleuse, un personnage ambivalent, toujours en quête de son plaisir trouvé chez ses amants. Son comportement envers son amant est mêlé d'un sentiment maternel. Elle pense que Fred est un gros bébé gâté et l'appelle "nourrisson méchant" (Colette d, 2019 : 41). Gérard Bonal, la décrit ainsi : « Une maîtresse, mais aussi une sorte de, de nourrice – Chéri l'appelle "Nounoune", ma "Nounoune » (Bonal, 2014 : 203). Colette a attribué un caractère masculin à son personnage féminin, de façon qu'elle puisse imposer son autorité à son entourage, malgré qu'elle soit séduisante avec une sensualité typiquement féminine. Pourtant, elle perd ce caractère après avoir rompu avec Chéri, car elle se sent une femme vieillie qui n'a plus d'attrait. Le mariage de Chéri avec une jeune fille de 18 ans, Edmée, lui suggère qu'une période de sa vie prend fin. « Chéri va se marier. Et Léa découvre alors qu'elle tient à lui beaucoup plus qu'elle ne le pensait… » (Bonal, 2014 : 203). Ce caractère masculin, Gavalda aussi l'a attribué à certains de ses personnages féminins. Prenons l'exemple de Camille Fauque dans Ensemble, c'est tout. Elle est maigre, a les cheveux courts comme des garçons et un comportement indifférent malgré qu'elle fasse croire au début qu'elle est représentante d'une femme traditionnelle dans la société. Son air fait douter Franck : il ne sait pas si elle est une femme ou un homme. Pourtant, la masculinité chez ce personnage est bien différente de celle de Colette, du fait que chez cette dernière, le personnage exerce son pouvoir sur son entourage, tandis que chez Gavalda, la femme est le stéréotype du sexe faible, de la femme au foyer, comme Chloé Dippel. Les deux autres personnages féminins dans Chéri sont Mme Peloux, la mère de Chéri, une courtisane du "demi-monde", rivale de Léa, qui n'a qu'à gérer sa fortune, et la mère d'Edmée, Marie –Laure, aussi belle que sa fille, mais d'un comportement assez étrange envers elle, du fait qu'elle essaie de la marier afin de pouvoir se débarrasser d'elle, tant elle était jalouse de sa beauté. En effet, Colette avait l'intention de mettre en scène la relation mère-fille à son époque, dans les années 20. Cette relation est démontrée encore chez Camille Fauque et sa mère, Franck et sa grand-mère dans Ensemble, c’est tout de Gavalda, non pas sous forme de jalousie, mais dans l’intention de montrer le comportement des jeunes qui ne peuvent pas supporter leurs parents.
Vingt-trois ans plus tard, après la publication du premier roman qui inaugure le cycle de Claudine, Colette fait encore scandale avec ses personnages féminins dans Le blé en herbe, le premier roman signé "Colette” : l'histoire raconte l'initiation à l'amour entre un couple adolescent, Phil et Vinca, amis depuis leur enfance. Phil est le seul personnage masculin dans ce récit qui fait souffrir Vinca, une jeune fille de quinze ans, pas encore physiquement devenue femme. Pourtant, Colette l'avait douée d'une puissance morale surprenante. Face à elle, nous avons Mme Dalleray, une femme mystérieuse, sensuelle, énigmatique qui séduit Phil. Cette femme séductrice, l'incarnation de la "femme fatale", joue avec lui et le rend dépendant. En effet, contrairement au personnage masculin du récit, les deux personnages féminins de Colette sont des femmes fortes, mais différentes, chacune à sa manière : en masculinisant ses personnages féminins, physiquement et moralement, Colette voulait inverser le rôle de la femme dans la société dominée par l'homme. Par-là, nous pouvons voir la tendance féministe de l'écrivaine, bien qu'elle la nie. Cette virilité chez Mme Dellarey est avouée ainsi par Phil : « La douce voix virile de Mme Dellarey » (Colette e, 1974 : 63), « Elle s’en aperçut, le regarda dans les yeux, reprit son sourire aisé et presque masculin » (Colette e, 1974 : 70). Cette transmission de pouvoir et ce renversement de statut traditionnel de la femme dans ce roman de Colette est, comme nous l'avons déjà dit, l'affranchissement des normes que Gabrielle Tegyey précise ainsi : « c’est à la femme qu’appartiennent la lucidité et la force, tandis que l’homme demeure le plus souvent la victime de ses obsessions » (Tegyey, 2012 : 239). Chez Vinca, la masculinité apparaît d'une manière différente de celle de Mme Dellarey; elle supporte avec force la trahison de Phil, reste encore avec lui, sans se céder au désespoir. Pourtant les dernières lignes du roman resté ouvert, sont conçues par le lecteur comme son aveu à l'échec. C'est face à la faiblesse du personnage masculin du récit que la force de cette jeune femme est mise de plus en plus en valeur. En effet Colette, au début « déguisée en Claudine », (Mercier, 1994) et en tant qu'une auteure énigmatique a toujours essayé de montrer la femme au-dessus de sa réalité sociale. C'est son idéal, sa conception sur la femme, et le féminisme qui réside en la profondeur de l'âme de cette écrivaine, sans être dépendante d'une idéologie quelconque. Les personnages féminins de Colette sont, à vrai dire, ses Doubles qui révèlent la pensée de l'écrivaine, et comme le prétend Paula Dumont: « […] le contexte historique de Mitsou et la logique interne de Chéri et du Blé en Herbe ne poussent pas les personnages de ces œuvres vers un avenir heureux » (Dumont, 2012 : 115). Une vérité qu’on ne pourrait négliger, c’est que dans ses œuvres, « Colette revient [consciemment] sans cesse sur l’image maternelle… comme un retour à elle-même » (Michinau, 2007 : 45). Michineau ajoute encore à ce propos en affirmant qu’il s’agit d’une crise identitaire chez Colette : « […] Colette n’est pas en cela un cas particulier puisque la crise identitaire qu’elle parviendra à surmonter est celle que connaissent les femmes écrivains à son époque. L’autofiction lui donnera la possibilité de se construire à l’abri des regards indiscrets voire de se reconstruire en élaborant la légende de « la bonne dame tartine du Palais Royal » comme le faisait remarquer ironiquement Jean Cocteau » (Michineau, 2007 : 45.).
Quant à Gavalda, elle tente de mettre en scène dans ses œuvres, l'image de la faiblesse de la femme dans la société. Camille Fauque, le protagoniste de Ensemble, c’est tout, est une jeune femme qui souffre d'anorexie, et qui sera aidée par deux hommes : Philibert qui la ramène dans son appartement et Franck qui lui donne à manger. Camille est une jeune femme enfermée dans sa propre prison ; elle ne peut pas communiquer avec les autres, n'aime pas sa mère dont le comportement est jugé méprisant, surtout après la mort douloureuse de son père. L'étrangeté de Camille dans son comportement physique et moral saute aux yeux du lecteur et l'on pourrait dire qu'elle incarne l'image de tant de jeunes qui sont incapables d'avoir une vie sociale satisfaisante ; elle est présentée comme un "fantôme" dans le texte : « Camille Fauque était un fantôme qui travaillait la nuit et entassait des cailloux le jour. Qui se déplaçait lentement, parlait peu et s'esquivait avec grâce. Camille Fauque était une jeune femme toujours de dos, fragile et insaisissable » (Gavalda c, 2004 : 27). En effet, Gavalda avait l'intention de donner trois images acceptées de la femme dans la société : la femme considérée comme sexe faible, objet et femme au foyer. Afin de montrer que la femme est encore soumise aux règles imposées depuis toujours dans la société, Gavalda montre Camille qui se voit obligée de respecter Franck, même si elle reste invisible dans l'appartement de Philibert. « Elle se tenait à carreau dans les pièces communes. Laissait cet endroit aussi propre que vous désireriez le trouver en entrant, s'enfermait dans la salle de bains quand il n'était pas là, cachait toutes ses affaires toilette, passait deux fois l'éponge plutôt qu'une sur la table de cuisine, vidait son cendrier dans un sac en plastique qu'elle prenait soin de nouer avant de le mettre à la poubelle, essayait de se faire la plus discrète possible, rasait les plinthes, esquivait les coups […] » (Gavalda c, 2004 : 157).
En outre, Franck - consciemment ou non -, fait allusion à ce classement social entre les femmes et les hommes en présentant Camille à son chef comme « un petit commis tout frais » (Gavalda c, 2004 : 236). Le regard de la société traditionnelle sur la femme était toujours mêlé à un certain mépris, car elle était – et l'est encore -, un objet de plaisir pour l'homme. En tant qu'une écrivaine contemporaine, Gavalda a voulu rappeler ce regard avilissant qui subsiste encore dans la société moderne ; la preuve en est que la mère de Camille proteste contre la maladie de sa fille en disant: « Tu ne finis pas ton assiette? … Regarde-toi... On dirait un squelette... Si tu crois que tu donnes envie aux garçons […] » (Gavalda c, 2004 : 50). Depuis toujours, la femme était responsable du foyer ; cela est démontré encore dans L'ensemble, c'est tout où Camille prend la responsabilité du ménage, lorsqu'elle vit avec Philibert et Franck. De même, elle s'occupe de Paulette, la grand-mère de Franck. « - Et le ménage ? Chacun sa chambre, OK, mais pourquoi c'était toujours elle ou Philou qui se tapaient la cuisine et la salle de bains ? à propos de la salle de bains, il faudrait une poubelle, je m'en charge... […] » ( Gavalda c, 2004: 307).
Paulette, la grand-mère de Franck, est une autre femme protagoniste du récit, l'image de la vieillesse, de la faiblesse, des mauvais souvenirs du passé et de la fin des séjours d'une femme seule qui se sent coupable de la mort de son mari. Camille devient pour elle une amie à qui elle pourra confier ses regrets dans sa vie douloureuse. Encore une fois, Gavalda pose le problème du divorce et de ses ennuis par la bouche de Paulette qui raconte la séparation de sa fille, la mère de Franck. « L’enfer, c’est quand tu peux plus voir les gens que t’aimes. Tout le reste, ça compte pas » ( Gavalda c, 2004: 315).
Les personnages féminins, les représentants de leur société Dans une époque où le mouvement féministe se développait, le personnage féminin colettien était une figure puissante qui savait comment s'adapter aux situations difficiles, que ce soit face aux hommes ou seule, car Colette était une femme intelligente dans une société sous la domination masculine et ses personnages féminins étaient considérablement marqués par la vie de leur créatrice, élevée aux côtés de sa mère Sido qui lui avait appris l'amour de la nature, et devenue plus dure grâce à sa relation sulfureuse avec Mathilde de Morny, dite Missy. Dans son ouvrage intitulé Corps féminin, corps textuel, Yannick Resch définit le "désir de vivre" de Colette et explique son comportement face aux hommes : « Elle découvre généralement qu’il n’y a pas d’entente possible avec l’homme et que toute tentative d’accord aboutit à l’échec. Mais contre son compagnon qui reste prisonnier de sa sensualité, de sa vanité ou de ses rêves, la femme trouve la force de survivre à la désillusion. Meurtrie mais non détruite, elle fait face à la réalité et découvre que dans toute perte, il peut y avoir un gain » (Resch, 1973 : 14).
Les femmes dans les œuvres de Colette sont fortes, intelligentes, indépendantes. L'auteure avait l'intention de montrer que la communication entre femmes et hommes serait impossible sauf si "elles" décidaient de maintenir l'équilibre nécessaire dans des situations différentes. En outre, l'audace de parler de la relation femme-femme et de l'expérimenter, dans sa vie privée aussi bien que sur la scène du Moulin Rouge, à une époque où s'imposait le pouvoir masculin dans la société sont autant de signes qui ont marqué les personnages féminins de Colette. Dans Le Génie féminin, Julia Kristeva décrit la cause de cet entêtement de l'écrivaine : « Détestant les féministes, fréquentant les homosexuelles […], elle impose néanmoins une fierté de femme qui n’est pas étrangère, en profondeur, à la révolution des mentalités qui verra s’amorcer lentement l’émancipation économique et sexuelle des femmes. […] » (Kristeva, 2002 : 24). En nous appuyant sur la théorie de Claude Duchet, nous pouvons dégager la socialité du texte, à vrai dire, la société de référence, représentée dans toutes les œuvres de Colette - à sa manière, en tant qu'une protestation contre le pouvoir des hommes imposé dans la société traditionnelle. L’analyse de la voix narrative dans les récits de Colette nous prouve qu’aucun portrait des personnages n’est énoncé par une voix neutre, et que la vision subjective de l’auteure est bien visible : « Le plus souvent c’est Colette qui introduit dans le texte et caractérise les nombreux personnages qui défilent […] C’est elle qui ordonne le portrait, en choisissant et en interprétant ce qui est donné à voir, c'est par la médiation de son regard que les personnages se donnent à voir. Or, Colette est à la fois productrice du récit et personnage qui se désigne le plus souvent comme « je» » (Untilă, 2015 : 8).
Le choix d’un personnage féminin comme Léa dans Chéri, une femme d’ « âge mûr » (Colette d, 2019:183) qui mène une vie de bourgeoise scandaleuse, « une hédoniste, une joueuse malicieuse, une femme hors des conventions sociales, libre et libérée, du moins en apparence », (Galakof, 2006) dévoile en effet l'intention de Colette pour se montrer lors de sa liaison sulfureuse avec son beau-fils Bertrand de Jouvenel. Ses personnages féminins sont l'image des cocottes de la Belle époque qui reflète la décadence et le malaise d'une génération perdue (Galakof, 2006). Les dialogues entre les personnages sont significatifs : le lecteur pourra connaître non seulement les caractères des personnages, mais leur appartenance sociale. Ainsi, le discours des vieilles dames dans les passages qui concernent le mariage de Chéri et d'Édmée, nous révèle la caractérisation des femmes dans les années 20, et montre les enjeux du mariage à l'époque. Loin de son idéal, la femme dans la société moderne représentée dans les œuvres de Gavalda est comme toujours à la recherche de sa liberté, d'un amour qui puisse combler ses manques, mais cette liberté est bien différente de celle cherchée par les personnages féminins de Colette. Si Claudine, Léa, Marthe, Mme Dalleray et les autres femmes chez Colette sont - comme leur créatrice -, à la recherche du plaisir sensuel et physique, afin de prouver leur pouvoir dans la société masculine, les héroïnes de Gavalda sont typiques des jeunes femmes de la société moderne : certaines cherchent un amour dans l'espoir de fuir la solitude, d'autres l'ont trouvé, cet amour, mais sont incapables de le garder et de le protéger, comme Carine qui dans L'Échappée belle est l'image des femmes qui, dans des relations de longue durée, ne pensent plus à la satisfaction mutuelle. Cette œuvre relate l'histoire d'une fuite instantanée qui procure pour quelques heures, le sentiment d'une liberté enfantine qui cédera la place aux difficultés de la vie adulte. Chloé Dippel dans Je l'aimais de Gavalda est l'image de la faiblesse qui subsiste encore chez les femmes dans la société contemporaine, malgré divers mouvements féministes qui ont lutté pour la liberté et l'indépendance féminine. Cette faiblesse, chez les personnages féminins de Colette n'apparaît pas de la même manière : les femmes transgressent les normes sociales pour prouver leur égalité, voire leur supériorité aux hommes. Chloé est délaissée par son mari, nous l'avons déjà vu, donc, la socialité du texte gavaldien est - comme le prétend Duchet -, la société contemporaine où la femme est encore soumise et opprimée. Les figures féminines de Gavalda nous sont familières, ce sont des figures qu'on peut voir dans la plupart des familles. Au premier abord, Camille, le personnage féminin de Ensemble, c'est tout, nous paraît doté des caractères traditionnels du sexe faible : non seulement elle est une femme au foyer, mais aussi un objet de plaisir pour les hommes. Pourtant, à quelques reprises, Gavalda la présente comme une femme moderne avec des conduites non-traditionnelles, car elle s'invite dans la chambre de Franck qui préfère être romantique :
« [...] - Dis donc mon petit père... Tu vas pas t'en tirer comme ça ! […]. - [...] Pas comme ça... Attends...Moi ça fait des plombes que j'en rêve de ce moment... [...] Je ne veux pas que ça se passe comme ça entre nous.... - Tu veux que ça se passe comment ? Tu veux m'emmener canoter au Bois ? » (Gavalda c, 2004 :202)
En effet, en renversant les rôles et en masculinisant Camille, Gavalda voulait attribuer une certaine puissance à la femme. Ce changement de place est visible chez les femmes colettiennes surtout que l'écrivaine tente de présenter l'homme comme objet d'amour ; c'est le cas de Chéri devenu objet de plaisir de Léa. Dans Ensemble, c'est tout Gavalda essaie de suggérer au lecteur par la bouche de la mère de Camille que cette idée sur la femme, celle d'être objet de plaisir des hommes, existe encore. L'examen du discours social dans les œuvres de Gavalda est représentatif de celui des femmes modernes qui sont en quête de leur indépendance, qui renoncent d'être l'objet du plaisir des hommes et qui essaient de se montrer capables de tout. Contrairement à la femme enfermée à l'époque de Colette, la femme contemporaine mise en scène par Gavalda souffre de la solitude mais la vit quand même, sachant se débrouiller seule. Ou bien, elle s'y est adaptée comme Camille, ou bien à l'exemple de Chloé, elle se prépare à cette situation. Pour la femme moderne, le plaisir corporel n'est pas le seul moyen de prouver sa féminité, elle a appris au cours du temps à se débrouiller malgré les différents problèmes qui persistent encore dans la société.
Conclusion La sociocritique duchetienne prétend que le roman est une activité langagière qui relève du social. L'examen de la socialité dans toute œuvre révélerait des traces qui, non seulement aideraient à mieux saisir le texte, mais aussi à connaître la société de l'époque du créateur de l'œuvre littéraire. Le discours social dans notre étude était centré sur les personnages féminins de Colette et de Gavalda, et les co-textes nous ont révélé la situation sociale de la femme qui a certes affecté les deux écrivaines. L'étude du langage et de la pensée des personnages dans le cadre sociocritique faite sur les femmes protagonistes chez Colette et Anna Gavalda a prouvé qu'en fait, ces deux auteures du XXe siècle ont voulu montrer que la femme dans la société de cette époque est encore dominée par l'autorité masculine, mais qu'elle cherche quand-même à imposer son identité en tant que "femme", et non pas porter l'étiquette du sexe faible. Chacune de ces auteures a essayé de faire face aux règles traditionnelles imposées depuis longtemps dans la société. La différence réside en ce que les personnages féminins de Colette, des êtres fictifs fortement inspirés du caractère de leur créatrice et des personnes qui ont vraiment existé, s'avéraient plus insolents, dans la société plus fermée du début du siècle, tandis que ceux des œuvres de Gavalda - fictifs aussi -, représentent la majorité des femmes dans la société contemporaine, qui sont soumises, dépendantes et opprimées, qui souffrent d'un manque d'estime de soi ou qui sont incapables de communiquer, tout en cherchant toujours leur liberté et leur égalité sociale. Inverser les rôles traditionnels chez la femme et l'homme dans les ouvrages des deux auteures est un moyen de protester contre le regard injuste sur la femme dans la société, une réaction contre l'inégalité sociale présentée par Colette en mettant en scène des femmes libres qui désiraient s'affranchir de la tutelle conjugale et de l'oppression de la société, et apparue dans les œuvres de Gavalda sous forme de solitude et de manque de relations affectives chez les femmes. Cela pourrait être étudié dans le cadre psychocritique car chaque personne, face aux difficultés et aux contraintes, réagit à sa manière. En effet, à part les différences qui devraient certes exister entre la caractérisation des personnages féminins de nos deux auteures, les ressemblances aussi sont considérables, du fait que la condition des femmes dans la société n'a pas subi d'énormes changements : c'est en effet le mode de vie sociale qui a évolué. Enfin, l'univers littéraire français doit être reconnaissant de ces deux auteures : de Colette du fait qu'elle a fait connaître à ses lecteurs les nouvelles relations entre les sexes après la Première guerre mondiale et d'Anna Gavalda qui, avec ses ouvrages, a voulu créer un miroir qui reflète notre propre vie, la vie des femmes solitaires et écorchées considérées encore dans la société comme le sexe faible. | ||
مراجع | ||
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