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Étude de l’énonciation dans Étoile errante de Le Clézio | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Revue des Études de la Langue Française | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
مقاله 4، دوره 13، شماره 1 - شماره پیاپی 24، مهر 2021، صفحه 29-44 اصل مقاله (1.03 M) | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
نوع مقاله: Original Article | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
شناسه دیجیتال (DOI): 10.22108/relf.2021.130328.1168 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
نویسندگان | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Marzieh Athari Nikazm* 1؛ Fariba Sadat Hashemi2 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
1Assistante professeur, département de français, université Shahid Beheshti, Téhéran, Iran | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
2Doctorante, département de français, université Shahid Beheshti, Téhéran, Iran | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
چکیده | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Suite à la lecture d’Étoile errante de J.M.G. Le Clézio, une question se pose dans l'esprit du lecteur : la structure de cette œuvre est-elle en relation avec son contenu et son thème principal. En d’autres termes, comment le sens se structure ? Étude sémiotique de cette œuvre nous oriente vers la réponse. Le choix du corpus de cet article est basé sur le thème dominant et omniprésent à peu près dans toutes les œuvres de l’auteur ; le thème du voyage qui s’y transforme en errance du personnage principal Esther dont l’histoire raconte la vie en pleine guerre mondiale. Les fuites, les douleurs et les difficultés du déplacement obligé de peur des Nazis de cette jeune fille juive à la recherche de la Terre promise, non seulement ne lui apportent pas le bonheur mais aussi la laissent dans le tourbillon d’errance. Notre hypothèse se repose sur le lien des énoncés et la situation d’énonciation du point de vue actanciel et spatio-temporel. Donc sur la base de l’énoncé de l’errance, nous avons étudié l’énonciation de l’errance et ses propriétés actancielle et spatio-temporelle. L’embrayage et le débrayage de l’énonciateur sont les concepts les plus importants pour révéler la situation de l’énonciation ainsi que les stratégies choisies par l’énonciateur dans différentes situations. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
کلیدواژهها | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Débrayage؛ Embrayage؛ Enonciation؛ Errance؛ Stratégie | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
اصل مقاله | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Introduction Jean-Marie Gustave Le Clézio est « l’écrivain de la rupture et de l’aventure poétique, l’explorateur d’une humanité au-delà et au-dessous de la civilisation régnante »[1], citoyen du monde, « fils de tous les continents et de toutes les cultures »[2] et « le nomade immobile » (De Cortanze, 1999). Voici les titres donnés à cet écrivain qui se font connaître à partir de plusieurs thèmes célèbres à travers ses œuvres. Le thème majeur présent dans tous ses ouvrages, c’est le voyage qui se transforme même en errance dans quelques œuvres dont l’une, c’est L’Étoile errante[3]. L’héroïne d’Étoile errante, Esther commence à comprendre la parole en épelant « la ville de lumière, Jérusalem » dont la mère répétait toujours l’histoire. Étant arrivée à Jérusalem et après avoir rencontré Nejma, elle prend conscience d’elle et de son destin, de son errance. Des étoiles de cette histoire, Esther et Nejma, sont à la quête de leurs propres identités mais la guerre les pousse vers l’errance. Ajoutons que ce roman « ne présente pas une position politique mais prend plutôt parti pour les victimes quelle que soit leur origine. Il raconte même le traitement infligé aux Palestiniens par les Israéliens qui les ont enfermés dans des camps de réfugiés pour occuper leurs terres » (Keyhani Manesh et Kahnamoui Pour, 2018 : 78). Dans ce récit, on a affaire à quatre énonciateurs : énonciateur principal qui s’engage à raconter l’histoire principale. Mais quand l’histoire se déroule dans le camp de Nour Chams, un autre énonciateur prend la parole. Il existe aussi deux autres énonciateurs au sein des énonciateurs principaux ; ils prennent la parole et racontent l’histoire de leurs propres points de vus. Cela nous entraîne dans une sorte d’ambiguïté et la complication à connaître la vraie situation de l’énonciation. Alors dans cette étude, nous allons répondre à cette question : quel lien existe-t-il entre l’énoncé et la situation d’énonciation du point de vue actanciel et spatio-temporel ? Notre hypothèse est que l’énoncé de l’errance nous conduit vers l’errance de l’énonciateur. Dans le même but, il faut d’abord définir certaines théories de la sémiotique d’après différents théoriciens. Ensuite, dans la deuxième partie, en étudiant brièvement le thème de l’errance dans le roman, nous allons traiter la situation de l’énonciateur par rapport à l’énonciation à travers les concepts de l’embrayage et du débrayage. Enfin, le sujet de la troisième partie sera l’étude de la stratégie adoptée par l’énonciateur dans différentes situations. En ce qui concerne les études antécédentes sur Étoile errante, nous avons trouvé huit articles dans lesquels on a étudié ce roman de différents points de vue, tels que thématique, historique, imaginaire, herméneutique, imagologique, mythique, sociologique et même la lecture postcoloniale et les titres de quelques-uns sont : « Errance, Rêverie et Mythe dans l'œuvre leclézienne » rédigé par Antonia Pagan Lopez et publié dans la revue de l’Université Murcia en 1995; « La Réception de Jean-Marie Gustave Le Clézio en Iran » rédigé par la docteur Jaleh Kahnamoui Pour et Zohreh Keyhan Manesh, publié dans la revue de Recherches en Langue et Littérature Françaises à l’université de Tabriz en 2018. L’explication de ces articles n’entre pas dans le cadre de ce travail de recherche. Quant à l’étude narratologique, nous avons étudié les deux romans Etoile errante et Ourania sous la forme d’un mémoire de Master soutenue en été 2012 sous la direction de messieurs les docteurs Mehregan Nézamizadeh et Ali Abbassi à l’Université Shahid Beheshti ; « Etude des niveaux narratifs lecléziens dans Ourania et Etoile errante » qui nous a beaucoup inspirées pour la rédaction de cet article. Et il n’y aucune étude sémiotique sur cette œuvre de Le Clézio.
La linguistique de l’énonciation est un courant inscrit dans le prolongement de la grammaire structurale. Il faut préciser que le domaine de l’énonciation s’est considérablement agrandi depuis les réflexions de Benveniste et Jakobson à la fin des années 50 et l’on trouve aujourd’hui devant un champ de recherches vaste et actif. Émile Benveniste a introduit « l’énonciation » en linguistique avec son livre Problèmes de linguistique générale. L’objectif de ce courant, c’est de tenir compte de la position de l’énonciateur et de l’énonciataire dans la production d’un énoncé donné ; la langue n’est plus considérée comme un objet inerte. « Le linguiste a une conception dynamique de la langue qui n’est plus un simple puzzle mais une stratégie, un agencement conscient, réfléchi des diverses pièces de la langue » (Benveniste, 1966 : 45). Les mots-clés en linguistique de l’énonciation qui nous semblent nécessaires à expliquer sont l’énonciation, l’énonciateur, l’énonciataire et l’énoncé. Selon É. Benveniste « l’énonciation est la mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation» (Benveniste, 1966 : 80). En d’autres termes, l’énonciation est l’acte individuel de production, d’utilisation de la langue dans un contexte déterminé, ayant pour résultat l’énoncé. C’est un acte de création. Dans la théorie de Benveniste, l’énonciation est la mise en œuvre singulière de la langue et l’énoncé, c’est « l’objet produit par l’acte d’énonciation » (Courtés, 1991 : 282). Au cœur de la définition de l’énonciation, le concept de l’énoncé se trouve ; l’énoncé se définit comme toute manifestation langagière, orale ou écrite ; le produit, le résultat de l’acte d'énonciation ; c’est le message abordé. De son côté, Oswald Ducrot définit l’énonciation comme « l’événement historique constitué par le fait qu’un énoncé a été produit, c’est-à-dire qu’une phrase a été réalisée. On peut l’étudier en cherchant les conditions sociales et psychologiques qui déterminent cette production. Ce que font la sociolinguistique et la psycholinguistique » « Ducrot, 1972 : 728). En parallèle à ces nombreux développements linguistico-littéraires de la problématique de l’énonciation, il faut faire une place à la fortune que connaît le même concept chez Catherine Kerbrat-Orecchioni qui aborde l’énonciation à partir d’une discussion devenue traditionnelle, du schéma de la communication formulée par Roman Jakobson. Tout en maintenant la symétrie initiale du schéma, elle construit, à l’aide d’exemples concrets, un cadre énonciatif enrichi prenant en compte, outre les six facteurs de la communication, les mécanismes spécifiques à l’encodage et au décodage, les compétences propres aux interlocuteurs, leurs déterminations idéologiques, psychologiques, les contraintes de la situation et de l’univers du discours (Kerbrat-Orecchioni, 1980). Elle définit ainsi sa problématique de l’énonciation : « [C]’est la recherche des procédés linguistiques (shifters, modalisateurs, termes évaluatifs, etc.) par lesquels le locuteur imprime sa marque à l’énoncé, s’inscrit dans le message (implicitement ou explicitement) et se situe par rapport à lui (problème de la “distance énonciative”) » (Kerbrat-Orecchioni, 1980 : 36). Dominique Maingueneau a développé également ce concept. Il considère tout acte d’énonciation comme un événement unique qui s’établit entre un énonciateur et un destinataire particulier dans une situation particulière. Il la renvoie au domaine de la parole (acte individuel) par opposition à la langue (système). Cependant, il opère « une distinction entre chaque énonciation individuelle et le phénomène, le schéma général de l’énonciation, invariant à travers la multiplicité des actes d’énonciation » (Maingueneau, 1981 : 6). Pour Maingueneau, l’énonciation ne renvoie pas uniquement à un sujet, mais aussi à un ensemble de conditions qui accompagnent la production du discours et qu’il désigne du nom de scénographie énonciative. « [À] la fois cadre et processus », la scénographie est « la scène de parole que le discours présuppose pour pouvoir être énoncé et qu’en retour il doit valider à travers son énonciation même. […] Car toute œuvre, par son déploiement même, prétend instituer la situation qui la rend pertinente » (Maingueneau, 2004 : 192-193). Nous devons ajouter que dans l’instance de l’énonciation, deux figures distinguées sont bien remarquables ; l’énonciateur et l’énonciataire. L’énonciateur, c’est le destinateur implicite de l'énonciation ou de la communication et parallèlement, l'énonciataire correspondra au destinataire implicite de l'énonciation. D’après Courtés « […] nous avons un sujet de faire ou sujet énonçant (J.-C. Coquet) auquel nous réservons désormais le nom de l’énonciateur ; l’objet en circulation correspond à ce qui est énoncé, à l’énoncé donc ; […] le sujet à qui s’adresse l’énoncé, qui en est le bénéficiaire, nous l’appelons l’énonciataire » (Courtés, 1991 : 285). À la suite de la linguistique de Benveniste, Greimas montre que temps, espace et acteurs découlent directement de l’ancrage du texte dans son énonciation. Le locuteur en tant que l’énonciateur potentiel se tient dans un « je, ici, maintenant ». L’acte énonciatif est comme la projection hors de cette instance, des actants de l’énoncé et des coordonnées spatio-temporelles. En outre, la question de la conversion de la langue en discours se fait par l’énonciateur qui peut acquérir deux stratégies différentes par rapport à l’instance de l’énonciation ; le débrayage et l’embrayage. « Le débrayage est une opération par laquelle l’instance de l’énonciation disjoint et projette hors d’elle, lors de l’acte de langage et en vue de la manifestation, certains termes liés à sa structure de base pour constituer ainsi les éléments fondateurs de l’énoncé-discours. » (Greimas et Courtés, 1979 : 79). Par contre une autre stratégie de l’énonciateur nommée embrayage « c’est l’effet de retour à l’énonciation, produit par la suspension de l’opposition entre certains termes des catégories de la personne et/ou de l’espace et/ou du temps ainsi que la dénégation de l’instance énoncé » (Greimas et Courtés, 1979 : 119). En effet, le brayage « est une prise de position étant considérée comme le premier acte de discours, instituant un champ de présence » (Fontanille, 1998 : 94). La définition des « débrayage et embrayage » par J. Fontanille (1998 : 94) également se met subtilement au clair :
« Le débrayage est d’orientation disjonctive. Grâce à lui, le monde du discours se détache du simple vécu indicible de la présence ; le discours y perd en intensité, certes, mais y gagne en étendue : de nouveau espace et de nouveau moment peuvent être explorés, et d’autre actant être mis en scène. Le débrayage est donc par définition pluralisant. […] l’embrayage est d’orientation conjonctive. Sous son action l’instance de discours s’efforce de retrouver la position originelle. […] le discours est à même de proposer une représentation simulée du moment (maintenant), du lieu (ici) et des personnes de l’énonciation (Je/Tu). L’embrayage renonce à l’étendue, car il revient de plus près du centre de référence, et donne la priorité à l’intensité : il concentre à nouveau l’instance de discours. »
À part la position de l’énonciateur par rapport à l’instance de l’énonciation, on peut étudier le point de vue adopté par l’énonciateur. Parmi les linguistes contemporains, O. Ducrot a abordé le point de vue en 1984 autour de la disjonction du locuteur et de l’énonciateur. Ducrot articule solidairement l’énonciateur et le point de vue (1984 : 205) :
« Le locuteur, responsable de l’énoncé, donne existence, au moyen de celui-ci, à des énonciateurs dont il organise les points de vue et les attitudes. Et sa position propre peut se manifester soit parce qu’il s’assimile à tel ou tel des énonciateurs, en le prenant pour représentant (l’énonciateur est alors actualisé), soit simplement parce qu’il a choisi de les faire apparaître et que leur apparition reste significative, même s’il ne s’assimile pas à eux ».
« J’appelle ‘énonciateurs’ ces êtres qui sont censés s’exprimer à travers l’énonciation, sans que pour autant on leur attribue des mots précis ; s’ils ‘parlent’, c’est seulement en ce sens que l’énonciation est vue comme exprimant leur point de vue, leur position, leur attitude, mais non pas, au sens matériel du terme, leurs paroles » (Ducrot, 1984 : 204).
Pour Ducrot, il n’y a pas de point de vue sans énonciateur et il n’y pas d’énonciateur sans point de vue. Mais les deux concepts ne fonctionnent pas au même niveau. Le point de vue joue un rôle d’annexe dans la définition de l’énonciateur dans la mesure où ce dernier est désormais disjoint du locuteur. Ducrot ne dit rien sur le contenu du point de vue. Il emploie seulement les termes presque synonymes de ‘position’, ‘attitude’ qui ne sont pas des termes précis. La définition du point de vue chez Ducrot n’est pas sémantique, elle est énonciative et syntaxique. C’est la combinaison entre modus et dictum. Et sur plan énonciatif, il renvoie à un énonciateur non locuteur, s’il n’est pas exprimé dans une parole. Chez Ducrot, le point de vue est abordé au niveau de l’énoncé. Selon lui, tout énoncé dialogique comporte des points de vue distincts référés à des énonciateurs distincts. « Le locuteur est responsable de la mise en scène énonciative et indique le point de vue auquel il adhère ». (Rabatel, 2003 : 11). En sémiotique, le point de vue est nommé stratégie, Fontanille (1999) en définit quatre différentes : stratégie englobante, stratégie cumulative, stratégie élective et stratégie particularisante et nous allons analyser notre corpus selon les définitions de ce dernier :
« La stratégie englobante donne lieu par exemple des points de vue omniscients. Au prix, dans certains cas, d’une très grande distance, mais aussi à des phénomènes relevant du sommaire narratif, voire de la généralisation ; elle a pour principe la domination et la compréhension des états des choses, et n’accord de la valeur qu’à leur ensemble cohérent, à leur totalité. Certains verbes de perception en relèvent, comme considérer, contempler, ou embrasser du regard » (Fontanille, 1999 : 51).
La stratégie cumulative, expose les « aspects » d’une situation ou d’une question en séries, « ne sait que les parcourir les uns après les autres, et elle ne s’accomplira qu’en visant l’exhaustivité, la seule valeur admise ici » (Fontanille, 1999 : 51). Normalement, dans les romans où l’on multiplie les points de vue, et que l’on change sans cesse de personnage-observateur, voire l’énonciateur combine plusieurs points de vue sur chaque scène en est une réalisation. Mais, « à un tout autre niveau d’analyse, des verbes comme prospecter ou explorer en fournissent aussi une bonne illustration » (Fontanille, 1999 : 51). Concernant la stratégie élective, Fontanille explique qu’elle
« recherche, parmi tous les aspects, le «meilleur exemplaire» possible, celui dont l’éclat dispense de chercher plus avant, car il vaut pour tous les autres ; dès lors, l’aspect «élu» retiendra l’attention, et focalisera le discours; le principe qui guide en sous-main une telle stratégie est celui du choix: s’sélectionner et focaliser pour connaître et agir. La valeur requise est ici la représentativité ou l’exemplarité. Bien des points de vue qui se présentent comme omniscients en relèvent pourtant : mais ils font illusion parce que tout autre aspect de l’histoire ou de la situation présentée a été soigneusement occulté. […] des verbes de perception comme fixer, examiner sont aussi susceptibles d’y participer » (Fontanille, 1999 : 51).
Quant à la stratégie particularisante, elle « est certes quelque peu «myope», car elle se suffit du détail qu’elle est parvenue à isoler ; mais, puisqu’elle n’accorde aucun prix à la maîtrise des grands ensembles, elle se satisfera de la spécificité de la partie isolée » (Fontanille, 1999 : 51). Il donne comme exemple le nouveau roman, notamment chez Robbe-Grillet, qui offre « un large éventail de tels points de vue, faiblement représentatifs, limités et déroutants. Des verbes de perception tel qu’apercevoir ou scruter en relèvent souvent » (Fontanille, 1999 : 52). Après toutes ces définitions concernant la position de l’énonciateur par rapport au discours et aux instances de l’énonciation, il nous faut étudier la position des énonciateurs dans Étoile errante.
2.1 Le débrayage L’histoire commence en 1943 dans un petit village près de Nice nommé Saint-Martin Vésubie. Le premier chapitre est intitulé « Hélène s’y déroule ». En pleine guerre, un groupe de juifs arrivant à ce village il y a presque un an, décide de le quitter à cause de la menace nazie. L’héroïne dont le vrai prénom, c’est Esther, cache son identité sous le prénom Hélène. Elle vit avec sa famille dans ce village. Dans l’espoir de voir la Terre Promise et Lumière, Jérusalem, ils se mettent en route. En lisant ce chapitre, on se rend compte d’un début de récit totalement coupé de l’énonciation. Tout au long de cette partie, le sujet, le temps et le lieu de l’énonciation se séparent des représentations actancielle, temporelle et spatiale ; autrement dit on a affaire aux non-je, non-maintenant et non-ici. Certes, l’énoncé s’éloigne de la situation de l’énonciation, il la disjoint, la dépersonnalise par le débrayage. En voici des exemples : « Elle marchait un instant au bord du champ, juste assez pour sentir la fraîcheur de la terre, les lames coupantes contre ses lèvres. Par endroits, les herbes étaient si hautes qu’elle disparaissait complètement. Elle avait treize ans, elle s’appelait Hélène Grève, mais son père disait : Esther. » (Le Clézio, 1992 : 16) « Un jour, avant l’été, son père l’avait emmenée jusqu’à l’entrée de la vallée, là où la rivière devient un filet d’eau bleue qui bondit de rocher en rocher » (Le Clézio, 1992 : 17). Les exemples ci-dessus indiquent le débrayage actantiel par le pronom « elle » et par « son père ». Le débrayage spatio-temporel s’éprouve aussi par le temps passé des verbes comme « marchait », « étaient » ou « avait » et quant au débrayage spatial, par les non-maintenant comme « au bord du champ », « par endroits » etc. Alors l’énoncé montre « un monde autre » (Courtés, 1991 : 98) dans lequel l’énonciateur n’arrive pas à l’encrage affectif par le discours. Il en est de même avec « l’installation des simulacres de l’ego-hic-nunc construit un effet de subjectivité » (Fiorin, 2015 : 4-5), de même son absence crée un effet de sens objectif. Pourtant, dans le même chapitre, on trouve des énoncés dans lesquels il y a une sorte de confusion et de brouillage : « Maintenant[5], quand ils allaient se promener autour du village, Esther tenait sa main. Ils jouaient à être amoureux. Ils descendaient jusqu’au torrent […] » (Le Clezio, 1992 : 60) ou bien : « (…) il n’y avait personne d’autre qu’eux, ici[6], dans cette gorge, ils étaient comme seuls au monde » (Le Clézio, 1992 : 73). Dans ces exemples, il existe toujours le débrayage actantiel mais « maintenant » au premier et « ici » au deuxième exemple, confirme un trouble de l’énonciateur à choisir une position bien stable par rapport à l’énonciation parce que les déictiques « ici » et « maintenant » appartiennent au monde propre de l’énonciateur. Nous voyons une telle confusion presque tout au long du premier chapitre du roman. Comme si l’énonciateur avait du mal à se séparer de certains temps et lieu ; malgré la priorité qu’il a donnée à l’étendu, il préfère de temps en temps s’approcher du centre de référence. Quoi qu’il en soit, ce débrayage actanciel se continue de la même manière dans le chapitre « Hélène », la seconde moitié du chapitre « Esther » et « Nejma », dans la première et la troisième partie du chapitre « l’enfant du soleil » et enfin dans la deuxième partie du chapitre « Elizabeth » que nous essayons de montrer dans le tableau suivant[7] ; le rouge foncé indique le débrayage :
Nous avons abordé des exemples du chapitre « Hélène », afin de mettre en lumière des relations de l’énoncé et de l’énonciation et nous vérifions aussi d’autres exemples des autres chapitres. Dans le chapitre « Esther » et à partir de la page 197, les personnages qui sont des juifs, montent sur un bateau pour aller en Israël. La position de l’énonciateur qui était attaché à l’énonciation et que l’on va étudier plus loin, change soudainement : « Debout sur la passerelle, Esther regardait le pont du bateau, où les passagers s’étaient assemblés. Il faisait un temps extraordinaire. Pour la première fois, depuis des jours, les nuages gris s’étaient écartés, et le soleil resplendissait » (Le Clézio, 1992 : 197). L’actant, l’espace et le temps, tous les trois sont totalement détachés de la situation d’énonciation. Le débrayage actantiel par « Esther », temporel par le plus-que parfait et l’imparfait des verbes et spatial par « le pont du bateau ». Pourtant la même hésitation que l’on a vue dans le chapitre Hélène à prendre une position stable par l’énonciateur, s’y révèle lorsque Reb Joël, un clergé juif, se met à lire le Livre du Commencement. Il semble que l’énonciateur soit encore hésitant sur la position déjà prise et qu’il veuille retourner à la position originelle : « Devant l’échelle, il s’est arrêté, et il a ouvert le livre. Maintenant, tout le monde est tourné vers lui, sans regarder davantage la ligne de la terre qui s’étendait devant la proue du navire. Il lisait lentement dans cette langue étrange et douce, la langue qu’avaient parlée Adam et Eve au Paradis […] » (Le Clézio, 1992 : 203). Il existe la même démarche dans les chapitres « l’enfant du soleil » et « Elizabeth », pourtant nous nous limitions à quelques exemples du chapitre « Nejma » car l’étude de tous les chapitres n’est pas possible dans un article. Avec l’arrivée des juifs, le feu de la guerre s’intensifie et les habitants des territoires occupés sont contraints de quitter leurs foyers. L’histoire de Nejma, une fille qui a perdu sa famille, se déroule dans ce chapitre. Le camp de Noor Shams devient la résidence temporaire des fugitifs mais l’épidémie de la maladie les oblige encore à repartir. Nejma avec un bébé survivant nommé Loula et Saadi, ils se mettent en route et arrivent à une vallée. Dans cette partie, la position de l’énonciateur change en débrayage : « Les journées étaient longues et belles, ici, dans cette vallée. Le matin, Nejma regardait la lumière du soleil qui naissait dans l’échancrure des collines, au-dessus de l’eau de la rivière » (Le Clézio, 1992 : 287). Nous sommes coupés de la situation d’énonciation par le débrayage actantiel « Nejma », par le débrayage temporel « étaient, regardait,… », et aussi par le débrayage spatial « vallée ». Mais à travers « Ici », la perturbation de la position de l’énonciateur se révèle encore une fois de plus. Ce qui nous rapproche de nouveau de l’hypothèse présentée dans l’introduction de cette étude : un énonciateur errant qui ne peut pas se tenir dans une position stable. Mais à partir de l’étude des embrayages qui est le sujet de la partie suivante, la justesse de notre hypothèse sera renforcée. Bref, en débrayant de la situation d’énonciation, les parties mentionnées dans le tableau tracé, l’auteur les transforme en « histoire » c’est-à-dire hors du cadre de la vie présente.
2.2 L’embrayage À l’inverse du débrayage, l’embrayage désigne un effet de retour à l’énonciation. Comme le débrayage, l’embrayage s’applique aux trois catégories de l’énonciation ; actantiel, spatial, temporel. Chaque embrayage présuppose un débrayage. Avec l’embrayage, on a le courant de la vie présente et Benveniste l’appelle « discours ». Comme le tableau pour le débrayage, d’abord nous indiquons toutes les parties de l’embrayage dans Étoile errante et ensuite nous les traitons avec l’exemple.
D’après ce tableau, les parties de l’embrayage débutent par le chapitre « Esther » qui a maintenant dix-sept ans et qui est à Port d’Alon en France. On est en 1947, la guerre est finie mais elle a déjà perdu son père et maintenant elle vit avec sa mère et elles vont bientôt partir pour Jérusalem. « J’ai dix-sept ans. Je sais que je vais quitter ce pays pour toujours. Je ne sais pas si j’arriverai là-bas, mais nous allons bientôt partir. Maman est assise contre moi, dans le sable, à l’abri du cabanon en ruine » (Le Clézio, 1992 : 143). Dans l’exemple ci-dessus, l’énonciateur reste attaché à la situation d’énonciation. Il se présente sous la forme du pronom « je » et « ce pays » montre le pays où il se trouve pendant l’énonciation. De même, le verbe au présent indique le fait que l’action abordée par l’énonciateur, se passe dans le temps actuel, lié à la situation de « Je » (l’actant et l’énonciateur) et « ce pays » (adjectif démonstratif « ce » désigne la proximité de l’espace au sujet comme « ici »). Donc, nous avons l’embrayage actantiel et spatio-temporel. Pourtant dans certaines parties, telles que les parties citées en débrayage, nous témoignons de la confusion et de la vacillation de la place prise par l’énonciateur comme le cas suivant : « Je peux entendre encore leurs voix et leurs rires, cet après-midi-là, sur la pente d’herbage immenses, avec le ciel qui nous entourait. Les nuages roulaient, dessinaient des volutes éblouissements sur le bleu du ciel, et j’entendais les rires et les éclats de voix de mon père et de ma mère, à côté de moi, dans les herbes » (Le Clézio, 1992 : 152). Dans cette partie, l’énonciateur actant reste lié à la situation par le « je » et les adjectifs possessifs « mon et ma » tandis que nous sommes face à un débrayage temporel par l’imparfait des verbes et par « cet après-midi-là » qui est un déictique représentant non-maintenant. En d’autres termes l’actant se distancie du point de vue temporel de la situation de l’énonciation en utilisant les verbes au temps passé. Quant à l’espace, il y a une ambiguïté car « sur la pente d’herbage » peut être en même temps « ici » et « non-ici ». Par rapport à l’actant « je » et « à côté de moi », cet espace se définit comme « ici » mais si on la définit par rapport au temps verbal, c’est « non-ici ». Donc, la confusion de l’énonciateur à prendre une position stable s’y manifeste. De la même manière, il existe de différentes parties soit complètement en embrayage, soit à mi-chemin de l’embrayage et du débrayage. Prenons l’exemple de la partie de « l’enfant du soleil » : « Par la fenêtre du balcon fermé, je regarde la rue inamovible. Le ciel est si lointain, si bleu, que c’est comme si on était dans les régions les plus hautes de l’atmosphère. La rue est maculée de neige. Je vois les marques des pneus qui situent, les traces de pas » (Le Clézio, 1992 : 311). L’énonciateur a bien pris une position stable en embrayage dans toutes les trois catégories actantielles « je », temporelle « présent verbal » et spatiale « ici » qui est suggérée par « par la fenêtre du balcon fermé » indiquant le lieu où se trouve l’énonciateur.
« C’était la fin de l’été : le ciel immense, bleu, comme si on voyait le fond de l’espace. L’odeur des herbes brûlées, les bruits stridents des criquets. Au-dessus des vallées sombres, les milans qui tournoyaient en poussant leurs gémissements. J’ai le cœur qui bat parce que je vais vers la vérité. Tout cela est encore là, je n’ai pas oublié, c’était hier, quand nous marchions, ma mère et moi, sur le chemin de pierres aigues, vers le fond de la vallée, vers l’Italie, à travers les nuages d’orage » (Le Clézio, 1992 : 342).
En ce qui concerne le paragraphe précédent, l’actant reste lié à la situation de l’énonciation, ce qui prouve l’existence définitive d’un actant sous frome « je » dans l’univers de l’histoire ; cependant cet actant n’arrive pas à s’établir dans un temps et un espace définitifs parce qu’il s’agit d’une distance spatio-temporelle ; les verbes à l’imparfait à côté des verbes au présent manifestent l’oscillation et le va-et-vient perpétuel de l’actant entre le passé et le présent. À côté des perturbations étudiées dans les exemples précédents, l’errance fondamentale de l’énonciateur se révèle en comparaison avec les parties de l’embrayage et du débrayage. En assemblant les deux colonnes séparément tracées, nous voyons le chaos énonciatif où les changements perpétuels de l’actant, l’espace et le temps sortent le récit d’un système homogène et normal de l’énonciation. En effet, c’est la même errance que l’on peut voir dans l’univers de l’histoire ; l’errance de Esther et Nejma, deux protagonistes et actants de ce récit. D’une part Esther, elle-même à son insu, une étoile mais à la recherche de la lumière, va vers l’Est, vers la ville de Lumière, Jérusalem, là où le soleil se lève, où la lumière est très violente et tue tout le monde. En fait l’héroïne en quête de son identité prend un chemin très difficile d’abord vers l’Est et puis vers le Canada, vers l’Ouest où le soleil se couche. Une telle errance se manifeste dans la prise de position de l’énonciateur par rapport à l’énonciation. D’autre part, l’histoire de l’errance de Nejma qui se trouve au sein du sort d’Esther évoque une double errance ; d’abord parce qu’elle est errante à cause de la guerre, ensuite parce que son errance a une genèse dans l’errance d’Esther. Bref L’Etoile errante exprime le thème de l’errance par l’oscillation énonciative que l’on voit au tableau ci-dessous :
Dans la première partie de cet article, nous avons défini les quatre stratégies qualifiées par J. Fontanille et nous essayons maintenant de les illustrer par des exemples de notre corpus. En effet l’énonciateur raconte l’histoire de différents points de vue pour informer l’énonciataire. La stratégie englobante donne la possibilité de voir le général ; cette possibilité qui est donnée par l’énonciateur à l’énonciataire, maintient une distance précise et déterminée pour n’avoir qu’une idée générale à propos d’une scène ou d’un paysage ; alors l’énonciataire ne peut pas entrer dans les détails et à cet égard l’énonciateur est capable de présenter l’ambiance générale de l’histoire. À titre d’exemple, dans les passages suivants, l’énonciateur donne une image générale à l’énonciataire : « C’était comme s’il n’y avait jamais eu d’autre été avant celui-là. Le soleil brûlait les champs d’herbes, les pierres du torrent, et les montagnes semblaient lointaines, contre le ciel bleu sombre » (Le Clézio, 1992 : 32). Ou bien : « La mer est belle, au crépuscule. L’eau, la terre, le ciel se mélangent. Il y a une brume qui traîne et cache l’horizon, imperceptiblement. Et le silence, malgré le mouvement des autos, malgré les pas des habitants » (Le Clézio, 1992 : 346). Quant à la stratégie cumulative, l’énonciateur garde une certaine distance avec un paysage et il le voit dans certains aspects. Autrement dit, il parcourt progressivement une scène, en allant au fur et mesure dans toutes les parties, alors il a la possibilité de voir tout en détail. Prenons cet exemple pour bien préciser nos explications : « Vers dix heures, la cérémonie a commencé. Le prêtre est entré dans la chapelle, suivi par une partie de la foule. Au milieu, il y avait trois hommes en complet-veston bleu sombre… un peu à l’écart, les vieux Juifs regardaient aussi » (Le Clézio, 1992 : 48). Un autre exemple :
« Je veux voir le bateau italien. Je veux qu’il vienne. La mer est immense, bouillante de lumière. Le vent violent arrache aux crêtes, des vagues l’écume et la rejette en arrière. Les lames puissantes viennent de l’autre bout du monde, elles cognent les rochers blancs, elles se bousculent en entrant dans le goulet étroit du Port d’Alon. L’eau bleue tournoie à l’intérieur de la baie, creuse des tourbillons. Puis elle s’étale sur les grèves. A côté de moi, il y a le tronc de l’arbre mort » (Le Clézio, 1992 : 164).
Alors, le parcours de l’énonciateur à son entourage pour donner à l’énonciateur les détails qu’il voit, c’est bien clair et précis dans les exemples donnés. En ce qui concerne la stratégie élective, c’est le meilleur exemple sélectionné par l’énonciateur. En d’autres termes, bien que l’énonciateur voie toute la scène, il pénètre dans une partie particulière et d’autres fragments restent insaisissables. Bref, l’énonciateur attire l’attention de l’énonciataire seulement sur une partie élue. Par exemple :
« Il y a beaucoup de gens sur les quais, entassé au milieu des bagages. Il y des enfants qui pleurent un peu, puis qui s’endorment tout d’un coup, écrasés des fatigues. Des hommes vêtus de noir, des Juifs qui parlent interminablement dans leurs langues. Je l’ai vu, alors, sur le même quai, sous la grande horloge qui ressemble à une lune blafarde. Il était sur le quai de la gare, à Paris, avant le départ du terrain. Il remontait à travers la foule au moment où le train entrait dans la gare. Il était grand, maigre, avec ses cheveux et cette barbe d’or qui lui donnent l’air d’un berger. Je dis cela, parce que maintenant je sais qu’il s’appelle comme cela, Jacques Berger. Alors, je lui ai donné ce surnom, le Berger » (Le Clézio, 1992 : 146-147).
À travers cette description, l’énonciateur oriente le regard de l’énonciataire vers un homme jeune, grand, maigre parmi la foule. Cet homme attire d’abord l’attention de l’énonciateur qui est Esther, et puis l’énonciateur focalise sur lui comme si personne d’autre n’existe dans cette gare. C’est le même homme qu’elle épousera après. Enfin la stratégie particularisante se définit comme une caméra qui est en état zoom sur une partie particulière et isolée afin de pointer quelque chose de spécifique. En conséquence, contrairement à la stratégie englobante, il n’existe pas une vue générale, à la différence de la stratégie cumulative, l’énonciateur ne garde pas certains aspects au profit d’autres et à l’inverse de la stratégie élective où l’énonciateur sélectionne une partie de tout pour attirer l’attention de l’énonciataire, dans cette stratégie, l’énonciateur déroute l’énonciataire vers une petite partie de ce qui est en train d’être décrit, et nous oblige à voir une seule partie d’un tout. Par exemple, on peut montrer la fausse carte d’identité pour Esther et sa famille que Mario prépare pour cacher leurs identités des nazis. L’énonciateur montre la carte dans sa propre disposition : « Esther avait longuement le bout de carton jaune qui portait la photo de son père. Elle avait lu les mots écrits : » (Le Clézio, 1992 : 56-57)
Au lieu de donner les détails, l’énonciateur limite l’énonciataire en présentant la carte et rien d’autre. En employant les différentes stratégies par l’énonciateur que nous venons d’analyser, le récit entre dans un labyrinthe difficile à déchiffrer. En fait, cela indique une histoire avec les différents niveaux de sens qui obligent l’énonciataire à y approfondir subtilement. Ainsi à l’inverse de sa simplicité apparente, le texte contient-il profondément des sens ontologiques qui s’attardent la compréhension rapide chez l’énonciataire.
Conclusion Le roman commence par l’idée de mouvement. Esther et Nejma, deux étoiles errantes dans le monde fictif, l’une en quête de la terre promise et de la lumière et l’autre expulsée de la même terre, racontent leur errance. En effet, derrière le motif de l'errance se profile une question de l'aléatoire, de mobilité, d'instabilité, quelque chose qui ne peut pas se fixer. L’énonciateur nous introduit dans l’histoire en évoquant les plus anciens souvenirs d'enfance des acteurs. Ils sont déjà dans une dynamique du déplacement et nous emmène avec eux dans un voyage, dans une errance. La marche, le déplacement seront présents tout au long de leur récit pour nous. En étudiant le jeu de l’embrayage et du débrayage, à savoir la position de l’énonciateur par rapport à l’instance de l’énonciation, et les stratégies adoptées par l’énonciateur, nous avons saisi certaines structures du sens dans l’univers romanesque de Le Clézio. Le sens suggéré par les procédés constitutifs des instances énonciatives est parfaitement en compromis mutuel avec le thème et le contenu du texte : c'est la spirale malheureuse de l'errance des acteurs, le cycle du déplacement qui comme un rituel nous illustre la fatalité dans des labyrinthes du désert, déjà le titre d’un autre roman de Le Clézio. Dans Étoile errante, nous sommes face à la perturbation perpétuelle de l’énonciateur soit dans le choix d’une place stable par rapport à l’énonciation, soit dans l’emploi des stratégies différentes qui n’auraient d’autres résultats que la confusion et de même l’errance chez l’énonciataire. Ajoutons que derrière le voyage, il y a l’idée d'exploration d'un ailleurs qui nous attire et qui nous paraît une motivation importante pour aller à la rencontre de l'altérité, l'idée ici c'est celle de l'errance comme la perte d'un lieu, ou la « déspatialisation » qui nous introduit dans le paysage et dans les parcours cheminés par les actants dû à leur déplacement physique. Cette déspatialisation, qui pourrait être le sujet d’une autre recherche, apparaît dans un autre roman : Désert ; cependant dans ce dernier, l’errance dans l’énonciation est limitée au temps et au lieu et l’énonciateur, reconnaissant une identité stable par le débrayage actantiel tout au long de l’histoire, plonge dans un non-lieu et même dans une intemporalité perpétuelle. En d’autres termes nous sommes face à une errance régulière étendue au système énonciatif tout entier dans Étoile errante. Le point remarquable de ce récit est que l’énonciateur, après tant d’errances, atteint le point du départ et le récit finit à l’endroit du commencement. Ce qui affirme une stratégie circulaire et que d’après Jean-Yves Tadié, un récit circulaire est considéré comme l’un des signes du récit poétique (Tadié, 1994 : 117).
[1]. L’académie Nobel a décerné en 2008 son prix à J.-M.G. Le Clézio en lui donnant ce titre. [2]. Titre donné par le président de la république française, Nicolas Sarkozy, dans une lettre de salutation publiée au journal Figaro en 2008. [3] La traduction d’Étoile errante est publiée en 2008 en Iran, 16 ans après sa publication en France par l’édition Tcheshmé. Sa publication a une longue histoire. Reprenant la parole de Sadjad Tabrizi, traducteur d’Étoile errante, l’Agence de presse Mehr a affirmé que ce roman a attendu trois ans pour obtenir la permission de diffusion. Et sa sortie en Iran coïncide avec le résultat du prix Nobel de la littérature en 2008. Les raisons de ce retard ne sont pas claires mais on peut deviner que le thème de ce roman en sera l’une des raisons (Keyhani Manesh et Kahnamoui Pour, 2018 : 77). [4] Pour la partie théorique, nous nous sommes inspirés de deux articles publiés en Iran : Athari Nikazm, M. (2015). La Tension polyphonique énonciative. Cas d’étude : les textes de Paul Valéry. Revue Plume. 21 : 8-38. Athari Nikazm, M. Zakerhosseini, Sh. (2017). Différentes stratégies et l'aporie de l'énonciation dans La Reprise d'Alain Robbe-Grillet. Revue Études de la Langue Française, Ispahan, 9 : 33-46. [5] C’est nous qui l’avons souligné. [6] C’est nous qui l’avons souligné. [7] L’idée du tableau est tirée du mémoire de Master présenté par Fariba Sadat Hachémi, Étude des niveaux narratifs lecléziens, sous la direction des docteurs Mehrégan Nézamizadeh et Ali Abbassi, soutenue à l’Université Shahid Beheshti, été 2012, p. 22. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Athari Nikazm, M. (2015). La Tension polyphonique énonciative. Cas d’étude : les textes de Paul Valéry. Plume. 21 : 8-38.
Athari Nikazm, M. Zakerhosseini, Sh. (2017). Différentes stratégies et l'aporie de l'énonciation dans La Reprise d'Alain Robbe-Grillet. Revue des Études de la Langue Française, Ispahan, 9 : 33-46.
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