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La traversée de Montherlant dans l’univers de Khayyâm ou le croisement de deux visions du monde différentes? | ||
Revue des Études de la Langue Française | ||
مقاله 3، دوره 10، شماره 2 - شماره پیاپی 19، مهر 2018، صفحه 15-28 اصل مقاله (579.18 K) | ||
نوع مقاله: Original Article | ||
شناسه دیجیتال (DOI): 10.22108/relf.2018.110466.1054 | ||
نویسندگان | ||
Gohar Ranjbar؛ Mahvash Ghavimi* | ||
Islamic Azad University, Tehran | ||
چکیده | ||
Dans De Sa'di à Aragon, ouvrage consacré à étudier l’influence de la poésie persane sur la littérature française, en insistant sur l’admiration de Henri de Montherlant pour Khayyâm et en mettant en clarté quelques thèmes communs dans l’œuvre de ces deux écrivains, Hadidi parle du cheminement du romancier français sur les traces du poète persan. Lisant cet aperçu, une question nous vient à l’esprit: étant donné que ces écrivains appartiennent à deux contextes sociaux absolument différents, pouvons-nous les intégrer dans une même famille intellectuelle? Dans cet article, après avoir exprimé les Quatrains de Khayyâm et quelques romans de Montherlant, nous cherchons à mener une étude comparative pour voir si ces deux auteurs, abordant les thèmes de l’angoisse existentielle de l’homme et la quête du plaisir, convergent vers les mêmes points. Ensuite, nous nous penchons sur leur situation sociale et les discours contre ou pour lesquels ils prennent position, pour observer que les points de convergence reconnus informent d’une parenté remarquable entre ces deux écrivains. | ||
کلیدواژهها | ||
Khayyâm؛ Montherlant؛ angoisse؛ plaisir؛ relations intertextuelles | ||
اصل مقاله | ||
Introduction Dans De Sa'di à Aragon, Djavâd Hadidi parle de la grande diffusion de la vision du monde iranienne dans la littérature française. Selon lui, l'un des écrivains profondément influencés par la pensée iranienne est Henri de Montherlant. Romancier du XXe siècle, considéré comme «un des écrivains les plus authentiques du XXe siècle français» dont le style sobre et élégant lui a valu l’épithète du poète «à écriture royale» (Hadidi, 1994: 434), il voue une grande reconnaissance à ses maîtres iraniens. Il écrit: «Il reste que je ne saurais imaginer un moment poétique de ma vie qui ne soit un peu tributaire du génie persan» (Montherlant, 1944:14). En effet, en se référant à quelques ouvrages de Montherlant comme Aux fontaines du désir ou L’Eventail de fer où l'auteur parle du charme du monde oriental, Hadidi énumère les relations intertextuelles entre les deux œuvres et suggère que la vision du monde prescrite par l’écrivain français est le fruit de sa traversée dans la littérature persane. Selon lui, parmi les poètes iraniens qui ont profondément marqué Montherlant, Khayyâm figure bien en tête. En vérité, en mentionnant plusieurs citations de Montherlant où ce dernier fait allusion à Khayyâm, Hadidi constate que Montherlant connaît bien le poète iranien. Ensuite, en comparant quelques extraits de ses ouvrages avec quelques quatrains khayyâmiens, il trouve les tendances nihilistes et hédonistes de Montherlant qui ressemblent fort aux dispositions d’esprit de Khayyâm. Ainsi, en lisant les propos de Hadidi, quelques questions nous viennent à l'esprit: A quel domaine appartiennent les thèmes abordés par ces deux auteurs? Les points de convergences qui existent dans leurs œuvres de ces deux écrivains relèvent-ils de la même doctrine ou vision du monde? Pouvons-nous dire que les quatrains de Khayyâm et les ouvrages nihilistes ou hédonistes de Montherlant se catégorisent dans la même famille intellectuelle? En examinant les Quatrains de Khayyâm et quelques romans de Montherlant, nous trouvons des sujets communs, mais il ne nous semble pas que ceux-ci relèvent d’un même domaine discursif. En effet, la lecture faite par Montherlant, en tant qu’un écrivain du XXe siècle française, ne peut accéder au sens articulé par Khayyâm. Dans ce sens, il nous faut élucider les points de convergence entre les discours de ces deux écrivains et voir ensuite quels sont leurs points de divergence. Ainsi, dans cette étude comparée, nous abordons tout d'abord les angoisses existentielles projetées dans l’œuvre de Khayyâm et de Montherlant. Ensuite, nous traitons la quête du plaisir comme solution proposée par les deux auteurs contre les impasses de l’existence humaine, et enfin, pour savoir si ces sujets communs informent de la communauté des visions du monde de ces écrivains, nous abordons les doctrines et les idéologies pour ou contre lesquelles ils prennent position. I. La projection des angoisses existentielles dans l'œuvre de Khayyâm Pour ceux qui se penchent sur l'affrontement de l'homme avec sa vie, il existe les limites qui le bornent et qui aboutissent aux angoisses les plus accablantes de son existence. «Les principales contraintes existentielles répertoriées par Salathé[1] sont au nombre de cinq: la responsabilité et la liberté; la quête de sens et l’absurde; la mort et la finitude; la solitude, l’isolement existentiel; la limitation, imperfection» (Béja, 2003: 48-49). Il est évident qu'un grand nombre des ouvrages littéraires du monde sont consacrés au face à face des écrivains avec ces angoisses. Nous pouvons situer l'œuvre de Khayyâm et de Montherlant dans cette même large catégorie. En faisant une simple lecture des quatrains de Khayyâm, nous recevons quelques sens explicites: «Le monde n'a ni début ni fin. Le temps s'écoule. La mort se tient en embuscade. Dans les instants les plus débordants de la vie, elle sort impitoyablement, nous disant: "Je suis là". Tout est condamné à s'anéantir» (Hadidi, 1994: 44). Dans certains poèmes, Khayyâm fait allusion aux ruines des époques d’antan: J'ai vu un oiseau perché sur les donjons de Tus, Ayant posé devant lui le crâne de Keykavus Il disait au crâne: Hélas, Hélas, Où sont les tintements des clochettes ? Les roulements des tambours? (Khayyâm, 1969: 142) [2] Ce palais qui défiait le ciel (autrefois …) Et devant son portique se prosternaient les rois J'ai vu sur ses créneaux perchée une tourterelle Et qui roucoulait: «où sont-ils? Où sont-ils?» (Khayyâm, 1969: 100) [3] Dans le premier quatrain, le poète donne la parole à un oiseau qui, malgré toute sa faiblesse, s'empare du crâne d'un roi tout-puissant et qui lui rappelle d'un air sarcastique sa gloire perdue. Dans le second quatrain, le poète met en parallèle la grandeur d'un palais qui informe de la toute-puissance de ses propriétaires royales et la faiblesse d'un petit ramier qui, avec ce même air sarcastique, répète: cou, cou. Par cette onomatopée, signifiant «où», le poète pose une question angoissante: Où sont-ils passés tant de gloire, tant de richesse? Dans ce quatrain, la sagesse du petit oiseau met en lumière la naïveté de l'homme qui, sans se rendre compte de la fugacité du temps, se laisse fasciner par le pouvoir. Une étude plus approfondie de la poésie de Khayyâm montre que son angoisse face au temps qui passe se présente souvent à travers les paysages naturels. Partout dans ses Quatrains, nous pouvons trouver des vers qui décrivent fleurs, arbres, ciel et terre: La prairie et la rose vibrent de joie, échanson! Profites-en, car dans une semaine il n'en restera que la poussière… (Khayyâm, 1969: 32)[4] Les tulipes qui ont fleuri dans la vallée Sont empourprées du sang d'une majesté Chaque tige de violette qui jaillit du sol Fut un grain de beauté sur la joue d'une idole (Khayyâm, 1969: 32) [5] Par cette description, il dénonce, avec une grande lucidité, le secret dissimulé dans les beaux paysages: l’anéantissement. La fraîcheur des fleurs et des verdures est le symbole de la jeunesse de l’homme et leur pourrissement nous rappelle le déclin comme sort fatal de l’homme. La forme concise du quatrain ne permet pas de longue description de ces paysages; pourtant, à cause de sa concision et sa densité et la vitesse de la transmission qu'elle fait, cette forme poétique est un bon moyen d'exprimer une pensée ou un élan d'âme qui nous informe d'un fait brutal et brusque. En vérité, dans les Quatrains de Khayyâm, tout répand le souffle de la mort. La terre a caché les dépouilles des êtres humains et il n'existe rien qui ne porte en lui-même son anéantissement. Pour bien exposer ce thème, il se sert du leitmotiv «le vase». Non seulement la médiocrité de la terre suggère la médiocrité de l'existence humaine mais aussi son aspect matériel informe de la perplexité de l'homme devant ce grand mystère qui est l'aspect spirituel de l'homme. Prenant la parole, les vases confirment que l'être humain est fait de la terre et que l'enterrement est sa fin inévitable: Je me suis arrêté devant l'atelier d'un potier, J'ai vu le maître, debout, devant son tour: Courageux, il faisait des goulots et des anses Avec des crânes des rois, des pieds des mendiants. (Khayyâm, 1969: 100) [6] Nous sommes créés de la terre, nous y retournerons et nous serons finalement oubliés. Après la mort, le temps et l’espace n’auront aucun sens pour l’homme; tous auront une même identité. Car, quittant à jamais le monde, nous serons voisins des morts des époques bien éloignées. La mort est, à l’instar de Khayyâm, un des thèmes récurrents de l’œuvre de Montherlant. Dans l’un des chapitres de Mors et Vita, il tente de regarder la mort sous différents angles. En comparant ce texte avec les propos du poète iranien, nous remarquons que chez Khayyâm, ce qui est traité, ce sont des points de vue personnels du poète et ce qu’il a constaté en contemplant la condition humaine, mais, dans l’œuvre de Montherlant, c’est l’aspect psychologique de l’homme confronté à la mort qui importe. Il a plus en vue de noter la réaction des gens envers ce phénomène. L’aspect inévitable et terrifiant de la mort est évoqué avec maîtrise dans ce passage: «J’ai entendu poser la question, comment les vieillards peuvent vivre si paisibles, alors qu’ils se savent tout proches de la mort. Je m’explique comment, puisque moi, jeune encore, je le peux. L’habitude prise» (Montherlant, 1963: 503). Ce passage nous montre que sa définition de la mort n’est pas empreinte de la même amertume que nous trouvons chez son poète iranien et que sur ce plan, il prend quelques distances vis-à-vis du poète. Un thème favori de Montherlant est l'alternance, à savoir «la complémentarité des contraires […] Il en tenait en réalité pour l’idée que les contraires se rejoignent et s’équivalent: la mort et la vie, la guerre et la paix, l’héroïsme et l’hédonisme, la morale chrétienne et la morale antique, le bonheur charnel et l’élévation spirituelle, la ferveur et la sensualité, la violence et la charité, le goût de construire et celui de détruire […] [7]». L’on peut remarquer les traces de ce point de vue dans sa vision de la mort: «Il m’a fallu trois jours pour me familiariser avec la perspective de ma mort avant la fin de l’année. Ces trois jours passés, il m’en a fallu trois autres pour reprendre ma liberté d’esprit, telle qu’elle était avant que j’apprenne. De sorte que l’annonce de ma mort m’a causé, en somme, un dérangement de près d’une semaine» (Montherlant, 1963: 503). Grâce à une telle conception, il fait l'expérience de la mort dans sa vie. En effet, ces deux éléments se côtoient et se communiquent pour se montrer les deux faces d'une vérité. Ainsi l’idée de la mort ne lui semble pas si terrifiante, parce qu'elle se présente, en vérité, comme l'autre côté d'un fait absurde. Sur ce plan, nous pouvons dire que Montherlant croit au déterminisme de la condition humaine, car l'absurdité de toute alternance lui paraît inévitable et intrinsèque à l'existence humaine. Il faut rappeler que le déterminisme est un thème majeur dans l'œuvre de Khayyâm. Ils sont nombreux des quatrains par lesquelles il dénonce la fatalité qui borne l'existence humaine: Nous sommes des marionnettes et le Ciel le Monteur, Au vrai sens [du mot], sans nulle métaphore! Sur le damier de l'existence, nous faisons des petits jeux, Puis, nous tombons, un à un, dans le coffre du néant ! (Khayyâm, 1969: 70) [8] Étudiant les quatrains qui traitent de la fatalité, nous considérons que, face aux vérités primordiales de sa vie, comme la naissance ou la mort, l'être humain n'a aucun choix. La vie et la mort sont imposées à l'homme et celui-ci ne peut pas en changer les conditions. Face à cela, il ne reste à l'homme que son savoir imparfait et lacunaire: Je connais l'apparence de l'Être et du non-Être, Le fond de tout ce qui est en haut et en bas; Que la science me fasse honte Si je connais un état au-dessus de l'ivresse! (Khayyâm, 1969: 80) [9] Cette imperfection du savoir et l'impuissance de l'homme pour comprendre sa situation dans le monde est une autre angoisse qui résonne partout dans les Quatrains de Khayyâm: Il était une fois une goutte d'eau qui s'unit à la mer, Un grain de poussière qui s'intégra à la terre Sais-tu à quoi ressemble ta venue et ton départ? Une mouche qui paraît et disparaît. (Khayyâm, 1969: 65) [10] Dans ce quatrain, ce qui est démontré, c’est la place minime de l’homme par rapport à la grandeur de l’univers et cette vérité qui engendre chez le poète l’idée du néant. Mais, en fait, plus que l'absurdité, ces vers suggèrent la médiocrité de l'homme qui est totalement ignorant de son état existentiel. Selon Khayyâm, même si nous croyons l'union de l'homme, après sa mort, avec l'infini, l'existence actuelle de l'homme ne serait que semblable à celle d'une mouche par rapport à l'univers. Ainsi il montre son hésitation devant tous les courants de pensées qui prétendent trouver la vérité (Taslimi, 2012: 68-69). Cette médiocrité, si intolérable pour Khayyâm, s'aggrave, lorsque le poète réfléchit à l'impuissance de l'homme devant la fatalité. Ils sont nombreux des passages où il parle de la suprématie suprême de la providence divine sur la vie humaine: O toi qui es le jouet du maillot du Destin comme une boule, Va de droit et de gauche sans soufrer mot! Car Celui qui t'a lancé dans cette course vagabonde, C'est Lui seul qui sait, Lui seul, Lui seul. (Khayyâm, 1969: 156) [11] Nous pouvons dire que Khayyâm accepte avec certitude l'union de l'homme avec Dieu et la part de la providence dans la vie humaine. Il n'entend les mettre en question et dénoncer l'impossibilité de trouver une réponse. Il s'adonne à la poésie pour crier la conscience qu'il a acquise au sujet de cette condition intolérable. Quant à Montherlant, il tente de décrire dans son œuvre le conflit de ses personnages avec leurs angoisses existentielles: «La fureur du rien est le leitmotiv essentiel de presque toute l'œuvre montherlanienne. Elle était déjà chez l'Alban de Bricoule de Songe, comme un contrepoint à d'assez chétives émotions d'art et de sensualité […] Elle éclate dans l'éthique de Service Inutile (Chevalerie du Néant). A Ferrant agonissant, elle inspire des actes absurdes. Elle est enfin le vrai visage du pseudo-mystique Alvaro» (Curtis, 1973: 163). En fait, nous reconnaissons en Montherlant «un principe nocturne», une hantise permanente du désespoir et du néant sous différentes formes, ce que Curtis appelle le côté «saturnien» de son existence. (Curtis, 1973: 160) Cet élan saturnien est bien détectable dans Service Inutile et Le Maître de Santiago. L'idée du néant se trouve également chez Jeanne la Folle, personnage du Cardinal d’Espagne, qui choisit la pauvreté pour s’assurer la paix de son âme. Cette idée peut même conduire à la révolte chez Costals qui pense avoir la lèpre. De même, avant de mourir, Ferrant, le héros de La Reine Morte, exprime clairement ses désirs et ses déceptions et met en lumière sa vive passion de tuer tout ce qui peut vivre encore. L'idée du néant peut aboutir à la folie et à l’acquiescement comme chez la Reine. Le néant circule aussi dans L'Eventail de fer où Montherlant tente d'exprimer sa définition du bonheur. Ernest Bendz, l'auteur d'un petit article intitulé «Le désespoir dans l'œuvre de Montherlant», après avoir parlé du roi Khosrau qui est, selon lui, une esquisse du roi Ferrant de La Reine Morte, constate que «Montherlant n'a "piqué" sur le Khosrau de Ferdousi que parce qu'il avait en lui, depuis longtemps, le nihilisme» (Bendz, 1973: 88). Nous pouvons donc déduire qu'après avoir interprété les élans mystiques de Key-Khosrau comme une hantise de Néant, Montherlant crée selon ce modèle un de ses personnages les plus célèbres. Selon Bendz, les personnages créés par cet écrivain «ne font que prêter une figure humaine à un double désespoir […]: le désespoir de l'homme devant le manque de qualité de l'être ou de l'agglomération d'êtres auprès desquels il vit et le désespoir de l'homme devant la condition humaine» (Bendz, 1973: 89). Le premier désespoir perçu dans l'œuvre de Montherlant montre que, comme Khayyâm, il est soucieux de l'imperfection morale de l'être humain. Une des angoisses humaines perçues et représentées par Montherlant est l'impossibilité de toute union et toute harmonie entre les cœurs. En effet, il pense à la solitude et l'isolement de l'être humain. Les gens cohabitent sans pouvoir s'accorder et se mettre en relation. Ce profond abîme se projette bien dans les romans de Montherlant. George, le personnage de Fils de personne, réfléchissant à ses relations avec son fils, déclare cette impossible compréhension mutuelle «Que c'est difficile, douloureux, cet effort sans espoir pour toucher avec des mots un autre être! Et c'est là cependant qu'est la vie» (Perrochot, 1964: 114). Dans Le Chaos de la nuit, l'ancien combattant républicain espagnol, réfugié à Paris, vit avec sa fille de vingt ans. Il est un nihiliste et l'absurdité à laquelle il croit se reflète dans sa vie familiale. «Le père et la fille habitent ensemble, mais sont loin l'un de l'autre; lui, cède à sa chimère, elle, à son appétit de vivre, ils ne s'entrevoient que par lueurs; ainsi le veut l'expérience. Plus il incline vers sa fin, plus elle grimpe vers la vie sans discerner dans sa légèreté, ce qui pour lui devient signe fatal». (Perrochot, 1964: 113) Dans Le Chaos de la nuit, la contrainte existentielle se projette également dans l'absurdité de l'action politique. Son personnage, Celestino, assisté à la guerre civile de l'Espagne déroulée vingt ans plus tôt, trouve un grand décalage entre le présent et le passé. À Madrid, «le vieux révolutionnaire n'éprouve que le vide» (Perrochot, 1964: 115). «Survivant d'un passé qu'il poursuit et dont ce qui subsiste en lui s'efforce de demeurer digne, il incarne la part fidèle de l'homme en lutte contre le perpétuel arrachement qui creuse au cœur de l'être» (Perrochot, 1964: 115). Dans ce sens, toute tâche pour changer les structures même perverses lui paraît absurde. Dans la préface du Service inutile, Montherlant écrit: «L’âme dit: service; l’intelligence complète: inutile» (Montherlant, 1963: 571). Il va plus loin pour dire que tout effort qui vise à atteindre une situation sociale quelconque ou rassembler des biens est inutile. Il est également vain de faire des efforts pour obtenir le pouvoir et la gloire. Ainsi pouvons-nous dire que l'œuvre de Khayyâm et de Montherlant sont des tableaux où nous voyons l'image des angoisses et des peurs les plus profondes de l'homme. Ce qui importe pour nous est le fait que ni Khayyâm ni Montherlant, face à cette condition qu'ils trouvent tellement lamentable, ne restent passifs. Bien qu'ils pensent l'homme confronté à ses angoisses existentielles et qu'ils mettent l'accent sur le fait que l'homme ne peut se libérer du déterminisme, tous les deux écrivains sont conscients de la liberté de l'homme dans le choix de son style de vie. Ils proposent donc à leurs lecteurs de faire le choix qu'ils considèrent comme le meilleur. II. La quête du plaisir: une résolution face à l'angoisse Il faut savoir que les impasses existentielles sont les sujets de réflexion de nombreux penseurs. En effet, depuis la nuit des temps, le temps qui s’écoule implacable, l’existence qui s’annonce éphémère, la mort qui est aux aguets, sont autant de thèmes sur lesquels l’homme réfléchit. Ce souci a parcouru et parcourt toute l’histoire de l’homme, Une partie considérable des gens qui ont connu ces angoisses, pour les surpasser, s'adonne à l'hédonisme, en présentant le plaisir comme la seule valeur et comme le seul sens de l'existence humaine. Khayyâm ainsi que Montherlant se situent dans cette même catégorie. En vérité, l'un des points de convergence de la pensée de Khayyâm et de Montherlant est la quête du bonheur. Bien qu’ils connaissent les douleurs de l'existence humaine et qu'ils les aient même vécues, tous les deux conseillent de les oublier. C’est, en effet, ce à quoi ordonne la sagesse. En vérité, ils se considèrent comme les sages qui, ayant connu le vrai sens de la vie, veulent la transmettre aux autres. Prenant en considération l'aspect apparent de la poésie de Khayyâm, nous remarquons son insistance sur le fait que l'homme doit abandonner ses angoisses existentielles et s'adonner aux plaisirs. Il écrit: Comme elle est douce, au jour de l'an, la rosée sur la rose Comme elle est douce, au bord d'un pré, une beauté éclose! Tout ce que tu racontes sur le jour disparu ne me plaît pas Goûte le présent, cesse de parler d'hier. (Khayyâm, 1969: 22) [12] En effet, certains des quatrains de Khayyâm enseignent une sagesse, invitant les lecteurs à ne pas se tourmenter en se préoccupant de la fugacité du temps et tenter de se plaire aux bénéfices que l’instant lui offre. Mais il existe d'autres quatrains où le plaisir est un défi contre les conditions fatales de l'existence humaines, à titre d'exemple: Ami, viens, ne nous affligeons guère pour le lendemain Profitons bien de l'instant Présent! Demain, une fois partis de cette vieille demeure Nous serons avec ceux qui sont morts il y a sept mille ans. (Khayyâm, 1969: 76)[13] Dégoûté des contingences du monde, le poète veut profiter de chaque instant de la vie d’où l’éloge de l’amour, de la beauté, de la joie ; ce qui est le thème récurrent de son œuvre. En effet, lisant les quatrains de Khayyâm, nous pouvons voir les efforts du poète pour convaincre ses lecteurs de laisser leurs soucis et leurs tristesses et de s’adonner à la joie. Du fait de la multiplicité de ces ouvrages, Montherlant développe ce sujet plus que Khayyâm. Pour lui, c’est l’intelligence qui engendre la quête du bonheur. Car elle efface toutes les raisons de souffrir qui sont souvent illusoires et fausses: «Le bonheur se trouve par l’intelligence, et l’intelligence se prouve par le bonheur» (Montherlant, 1944:17).Il met également les heureux au même rang que les dieux. Cette prise de conscience vis-à-vis de la vie qui pousse les gens à jouir de leur existence relève d’une réflexion pure qui est comparable à la sagesse la plus élevée: «C’est la satisfaction et non l’insatisfaction qui est un état digne des dieux» (Montherlant, 1944:17). En vérité, pour lui, la quête et la conquête du plaisir sont liées à une connaissance parfaite de la vie et une grande capacité intellectuelle. De telles priorités aboutissent à une sorte de noblesse comparable à l’état des dieux. Dans son œuvre, Montherlant invite les gens à vivre pleinement et s'adonner largement à la vie hédoniste. En effet, il trouve dans la vie une alternance constante de l'angoisse et du plaisir. Bien que l'homme ne puisse éviter les amertumes de la vie, en savourant les délices dédiés par l'aspect matériel de son existence, il pourra profiter de sa condition humaine. C'est dans ce même sens qu'il présente le concept «féérie». Celle-ci est «essentiellement l'art de transfigurer sa vie par la poésie. En pratique, cela consiste à écarter les contrariétés, contraintes, obligations, soucis, tracas, embêtements pour ne laisser que le délicieux [délicieux au sens sensoriel]» (Curtis, 1973: 163). Selon Curtis, la féérie, ce concept tellement important dans l'optique montherlanienne, «se réduit au culte de l'instant. Il s'agit de se laisser imprégner, saturer par la beauté ou la volupté de la minute qui passe» (Curtis, 1973: 163). D'autres écrivains, comme André Gide dans Les Nourritures terrestres, influencé par les écrivains classiques iraniens, prescrivent cette même croyance. Dans son ouvrage, Aux Fontaines du désir, qui est «une suite d'impressions, tantôt lyriques et tantôt grinçantes, où la passion se mêle au plus amer désenchantement» (Perruchot, 1964: 148), nous lisons: Sur la dernière page d'un exemplaire du livre d'Omar Khayyâm, où le poète loue le plaisir et proclame que lors de lui il n'y a rien, Barrès a écrit: «livre de néant». Encore un beau cliché. Qu'il y ait eu dans notre vie une heure seulement du plaisir intense, et il n'y a pas de néant. Si l'univers doit être pardonné au créateur, il faut le lui pardonner pour y avoir créé la volupté. (Montherlant, 1927: 161) Cela montre bien que la contemplation mystique et les préoccupations morales iraniennes, tramées dans les éléments de joie terrestres, a inspiré à Montherlant d'exalter les plaisirs charnels et la part corporelle de l'existence humaine. En effet, face aux angoisses sinistres et omniprésentes de l'existence humaine, le romancier français s'engage dans la quête du bonheur. Dans La petite Infante de Castille, écrit en 1928, il dit: «Il n’y a qu’un but, qui est d’être heureux. Noblement ou pas noblement. Avec ou sans l’admiration des hommes» (Sipriot, 1953: 141).Dans une grande partie de ses œuvres, il tente de décrire les différentes modes du bonheur. Un des tableaux favorables à Montherlant est celui dessiné par les miniatures persanes. Dans son Éventail de fer, il explique qu'en Iran l’image d’un heureux et celle d’un héros sont identiques: Le héros Isfendyar est assis sur un petit tertre, dans un jardin tout animé de fleurs, de fruits, et des bestioles les plus énigmatiques. Sur le gazon, à ses pieds, son sabre repose. Sur l’index de sa main gauche, il tient un oiseau enchanté. En face de lui est agenouillée une demoiselle aux beaux sourcils. À l’arrière-plan, un page tient son cheval, petit canasson tortu. En haut, dans un coin, la signature de l’air d’un volier de sauvagine. Je m’imprègne de cette image. Elle me montre ensemble le héros et l’heureux». (Montherlant, 1944: 16-17) Puis il fait allusion à la tribu Bakhtiâri en Iran. Le fait que ses explications sur cette tribu reposent sur la vérité ou non, n’est pas notre affaire. L’important, c’est que Montherlant présente l’âme iranienne comme celle cherchant le bonheur et la joie. Et cela en opposition avec l’âme européenne. C’est l’occasion, pour lui, de contester le profil du héros, esquissé par la littérature moderne européenne. Il a en vue le mouvement commencé depuis l’époque romantique. Il écrit: Selon les idées occidentales modernes, le héros doit être malheureux. Depuis le jour où on nous a prêchés qu’il ne peut rien avoir de parfait en ce monde. Pour un détestable romantisme, vieux de plusieurs millénaires, le héros ne serait être heureux, plus que l’intelligent ne serait être heureux. La souffrance est l’auréole obligée de l’homme supérieur. (Montherlant, 1944: 17) D’après lui, le malheur attribué au héros montre que les écrivains occidentaux n’ont pas vraiment connu le sens de la vie. Mettant en question la pensée occidentale, Montherlant met en relief le fait qu'il marche sur les traces des hédonistes du monde classique. Nous avons dit qu'en mentionnant quelque citation de Montherlant où ce dernier fait allusion à Khayyâm, Hadidi constate que Montherlant connaît bien le poète iranien et puis, en comparant quelques extraits de ses ouvrages avec quelques quatrains khayyâmiens, il trouve les tendances nihilistes et hédonistes de Montherlant comme les thèmes suggérés par Khayyâm. Maintenant nous cherchons à savoir si ces thèmes communs informent d'une identité totale entre la pensée de Khayyâm et de Montherlant.
III. La mise en parallèle entre les pensées de Khayyâm et de Montherlant À cause des dispositifs offerts par le genre romanesque, Montherlant arrive à définir précisément ces tendances hédonistes. Dans Les olympiques, Les Bestiaires ou Les Lépreuses, il apprécie les plaisirs sensoriels et charnels. Dans Les Lépreuses, «Depuis longtemps, il n'y a qu'un lien qui me relie à la société de mes semblables, et c'est le désir. Et tant mieux, car toute la dignité de l'homme est dans son corps. Tous les sentiments d'affection, d'amitié, d'estime, etc., que j'ai pu avoir au cours de ma vie manquaient de force, si n'y ajoutait pas le désir» (Sipriot, 1953: 76). Mais Khayyâm, dans ses poèmes, ne développent pas le sens du plaisir qu'il a en vue. Pour certains, comme Théophile Gautier ou Fitzgerald, le vin illustré dans les poèmes de Khayyâm est le vrai vin et ainsi lui aussi, met en valeur les désirs charnels. Mais, la plupart des penseurs iraniens hésitent à faire une telle interprétation. Selon eux, «le vin dans sa poésie est le symbole de toutes les beautés, toutes les bontés et tous les plaisirs du monde». (Hessâm-Pour & Hassanlou, 2009: 458) Mathématicien et astrologue, malgré ses soucis intellectuels et spirituels, Khayyâm n'est ni un mystique au sens connu ni un philosophe. L'époque où il vivait influence certainement sur la formation de ce statut tellement singulier; une époque où, d'une part, les courants ach'ari affaiblissent le rationalisme des mo'tazelle et, d'autre part, les Saldjouqi, ces nouveaux-convertis fervents, étouffent les mystiques et les philosophes (Châyégân, 2004: 43-44). La poésie de Khayyâm n'est en effet qu’une réaction contre ces courants; une poésie exprimant ses angoisses personnelles et qui répond souvent aux grands problèmes posés par les intellectuels de son temps. Une question se pose maintenant: Khayyâm était-il un nihiliste? On sait qu’il était l’un des plus grands savants de son époque. Il existe des anecdotes et des témoignages historiques qui montrent la maîtrise de Khayyâm sur l'exégèse et la théologie islamique. Zamakhchari, le grand savant musulman, estime le savoir du mathématicien sur les sujets littéraires et Beyhaqi parle de sa maîtrise dans le domaine des textes coraniques. Certains affirment même que Khayyâm fut un disciple de Joveyni et que Mohammad Qazzâli s'est référé à lui pour lui poser des questions (Qarâgozlou, 2012: 11). Tout cela souligne que le versificateur des quatrains, considéré par Montherlant, Barrès ou Gide comme nihiliste ou hédoniste, est soucieux d'acquérir des connaissances sur la religion et de présenter sa propre interprétation des textes religieux. Ses activités scientifiques nous suggèrent qu'il n'appartenait pas à ce genre d'hommes qui tente de vider le monde de toute spiritualité pour pouvoir baser l'engagement de l'homme dans la vie matérielle. Dans le même sens, Mohammad Taqi Jaafari divise les Quatrains en quatre parties: 1. Ceux qui ont pour contenu l’infidélité du monde, la fragilité de la vie, la fin de tous les bonheurs mondains et l’apparition de la mort […] Ces quatrains contiennent une réflexion naturelle, une idée abordée par tous les livres sacrés. Les mystiques l’ont exprimé sous différentes formes, en avertissant les gens de ne pas se contenter des bonheurs éphémères de ce monde; 2. Ceux qui dénoncent les limites de la connaissance humaine devant l’infinité du monde; 3. Ceux qui diffusent l’hédonisme et conseillent la doctrine de l’épicurisme; 4. Ceux qui diffusent le nihilisme et l’insignifiance de la vie (Jaafari, 1986: 3). Selon Jaafari, la troisième et quatrième catégorie ne sont aucunement compatibles avec la personnalité d'un érudit à qui ses contemporains ont donné pour titre Imâm, Hodjat-ol Haq, Sayyed-ol Hokamâ Nosrat-oddin et Qyâs-oddin. En plus, nous connaissons ses croyances religieuses qu'il a exprimées dans son œuvre philosophique et dans les préfaces de ses livres scientifiques. Nous savons qu'il a traité des sujets sublimes dans la traduction qu’il a faite d’un discours d’Avicenne. Tout cela nous montre que Khayyâm ne présente point la figure d’un athée et que nous ne pouvons pas lui attribuer l’infidélité et le nihilisme. En abordant les quatrains, nous considérons l'emploi fréquent du lexique et des thèmes mystiques, mais est-il un mystique? Il semble que ce à quoi invite Khayyâm accorde moins aux croyances mystiques. Mais, «tout en se basant sur la philosophie grecque, il constate la présence d'une force métaphysique inconnu et inconnaissable» (Charifi Golpâyégâni, 2000: 25). Il revient donc, comme un savant, à l'apparence des choses face à toutes les questions comme la mort, la fatalité ou la liberté auxquelles il ne trouve pas de réponse. Dans la conception de Khayyâm, nous remarquons deux éléments contradictoires: la résignation de l'homme devant son ignorance existentielle ainsi que sa révolte contre cette situation. Mais Montherlant ne pense à aucune révolte. En vérité, l'indifférence est le mot-clé de son œuvre. «Si on commence par l'indifférence, la non-action, l'acception, c'est pour entendre l'exhortation de l'infini. Le rien de trop des Grecs mène au néant des indous, comme silence des grandes mystiques» (Sipriot, 1953: 95). Dans l'optique de Montherlant, la non-action des classiques s’oppose à l'action de l'homme moderne. L'homme moderne, oscillant entre le sens épique ou saint de la vie, tente toujours de faires des actes; des actes qui assure son progrès (Sipriot, 1953: 47), mais «la conception antique méconnaissait cet esprit d'entreprise» (Sipriot, 1953: 47) et cela est, selon Montherlant, le vrai signe de la sagesse. En effet, il semble que, plus que les sages de la littérature persane, le romancier français s'inspire de la culture de l'Europe antique. Dans son adolescence, lorsqu'on lui demande: «Quels sont les trois personnages historiques qui ont eu le plus d'influence sur vous?», il répond: «Pyrrhon, Anacréon, Régulus. Pyrrhon, c'est le doute philosophique. Anacréon, c'est le chantre de la volupté. Régulus, c'est la vertu romaine» (Sipriot, 1953: 117). En lisant les ouvrages de Montherlant, nous voyons que l'indifférence, la volupté et la vertu y sont les thèmes essentiels. En effet, dès le début, Montherlant pense à ces sujets et non pas après sa connaissance de la poésie classique persane. Montherlant est un aristocrate vivant à l'époque de la suprématie des valeurs bourgeoises. D'une part, il ne peut s'adapter au monde où il vit, car il le trouve contre les valeurs humaines les plus sublimes. Il écrit: «Je n'ai rien à faire dans un temps où l'honneur est puni, où la générosité est punie, où la charité est punie, où tout ce qui est grand est rabaissé et moqué, où partout, au premier rang, j'aperçois le rebut» (Sipriot, 1953: 91). Mais il est conscient que l'envahissement du monde actuel par la morale bourgeoise est, une fois pour toujours fait et que les valeurs anciennes ne sont aucunement irréversibles. C'est pourquoi il s'adonne pour tâche d'être indifférent. En effet, la quête du plaisir, comme le sujet commun dans l'œuvre de Khayyâm et Montherlant, est la manifestation de l'indifférence que le romancier français considère comme une autodéfense pratique contre les poussées sinistres de la bourgeoisie. Mais à propos de Khayyâm, nous ne pouvons pas dire la même chose. Celui-ci est une polémique dont les quatrains sont les répliques sérieuses à toutes les questions de son temps. Sa poésie est son discours polémique dans son dialogue avec les théologiens et les philosophes de son temps. En effet, nous pouvons dire que les discours littéraires de Khayyâm et de Montherlant n'ont pas racine dans les mêmes terrains intellectuels. Conclusion Dans cette étude, nous avons comparé la vision du monde de Khayyâm avec celle de Montherlant pour connaître leurs points de convergence et de divergence. Ainsi avons-nous tout d’abord mené une étude des angoisses existentielles des deux auteurs. Ensuite, nous nous sommes penchés sur la quête du bonheur comme le thème essentiel des deux œuvres. Enfin, avons-nous essayé une mise en lumière des oppositions qui les éloignent l'un de l'autre sur le plan doctrinal. Nous avons dit que, soit dans les Quatrains de Khayyâm soit dans les romans de Montherlant, la mort est l'angoisse la plus traitée. C'est souvent en rappelant l'aspect éphémère des gloires royales ou la nature inconstante et fragile des beautés et des fraicheurs naturelles que Khayyâm nous évoque la fatalité de la mort. La fuite du temps et la mort sont également les thèmes essentiels de l'œuvre de Montherlant, mais celui-ci tente de les surpasser, en rappelant leur aspect fatal et décisif. D'autres angoisses perçues chez les deux penseurs sont le règne du déterminisme sur la vie humaine et l'imperfection intellectuelle et morale. Montherlant s'angoisse également face à l'impossibilité de toute union entre les êtres humains. Un autre thème commun est la quête du plaisir. Khayyâm croit que le bonheur est un remède qui soulage ses angoisses et une révolte contre les conditions humaines et Montherlant considère la quête du bonheur comme une manière d'être indifférent devant les angoisses humaines. L'important est que le bonheur, défini par le romancier français, a une nature corporelle. Le bonheur s'y propose comme la volupté, mais le poète persan n'offre pas une définition particulière du plaisir. Dans sa poésie très figurée, par un nombre restreint de signes, il déclare que, devant la fatalité des conditions humaines, l'homme doit profiter de sa liberté, bien que limitée, pour vivre pleinement. En effet, les Quatrains de Khayyâm montrent sa prise de position pour ou contre les courants intellectuels ou religieux de son temps. Ils sont les discours polémiques articulés dans un genre poétique face au monde intellectuel. Ainsi le lecteur de Khayyâm doit interpréter le sens implicite de ses vers, mais Montherlant s'exprime explicitement. Il est un romancier qui s'engage dans le nihilisme et l'hédonisme et cela dans l'intention de critiquer le déclin des valeurs anciennes et la corruption morale du monde bourgeois. Ainsi la vision du monde de Montherlant ne coïncide pas totalement à celle de Khayyâm. En effet, son œuvre s’arrose d’autres sources intellectuelles et s’enracine dans la culture occidentale. [1] Noël Salathé est un psychologue suisse qui se rattache au courant de la psychothérapie existentialiste. [2] مرغی دیدم نشسته بر بارگه طوس در پیش نهاده کلۀ کیکاووس با کله همی گفت که افسوس افسوس کو بانک جرسها و کجا نالۀ کوس [3] آن قصر که بر چرخ همی زد پهلو بر درگه او شهان نهادندی رو دیدیم که بر کنگرهاش فاختهای بنشسته همی گفت که کو کو کو کو [4] ساقی گل و سبزه بس طربناک شدست دریاب که هفتهای دگر خاک شدست [5] در هر دشتی که لالهزاری بوده است از سرخی خون شهریاری بوده است هر شاخ بنفشه کز زمین میروید خالی است که بر رخ نگاری بوده است [6] در کارگه کوزهگری کردم رای در پایۀ چرخ دیدم استاد به پای میکرد دلیر کوزه را دسته و سر از کلّۀ پادشاه و از دست گدای [7] https://s3-eu-west-1.amazonaws.com/alaindebenoist /pdf/ henry_de_montherlant.pdf [8] ما لعبتکانیم و فلک لعبتباز از روی حقیقتی نه از روی مجاز بازیچه همی کنیم بر نعت وجود افتیم به صندوق عدم یک یک باز [9] من ظاهر نیستی و هستی دانم من باطل هر فراز و پستی دانم با این همه از دانش خود شرمم باد گر مرتبهای وراین مستی دانم! [10] یک قطرۀ آب بود با دریا شد یک ذرّۀ خاک با زمین یکتا شد آمد شدن تو اندر این عالم چیست آمد مگسی پدید و ناپیدا شد [11] ای در خم چوگان «فضا» همچون گوی چپ میرو و راست میرو و هیچ مگوی کانکس که ترا فکند اندر تک و بوی او داند و او داند و او داند و اوی [12] بر چهره گل شبنم نوروز خوش است در طرف چمن روی دل افروز خوش است از دی که گذشت هرچه گویی خوش نیست خوش باش و ز دی مگو، که امروز خوش است [13] ای دوست بیا تا غم فردا نخوریم وین یک دم عمر را غنیمت شمریم فردا که ازین دیر کهن درگذریم باهفت هزار سالگان همسفریم | ||
مراجع | ||
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Zakâvati Qarâgozlou, A.(2012), Khayyâm Neichabouri. Téhéran: Mo'in. | ||
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